« Illégal !», fulmine le gouvernement de Fayyez Al-Sarraj. Au terme d’une offensive de cinq jours, son rival, le maréchal Khalifa Haftar a repris les villes Ras Lanouf et Al Sedra et ses terminaux pétroliers stratégiques pour l’acheminement de l’or noir vers l’Europe, les Etats-Unis et la Chine. Mais sa décision de les placer sous la tutelle du gouvernement rival fait jaser en Libye et même au-delà
Le maréchal Khalifa Haftar a annoncé le 25 juin que les installations pétrolières contrôlées par son armée seraient désormais gérées par les autorités parallèles, basées dans l’Est du pays et opposées au gouvernement reconnu par la communauté internationale.
« Aucun pétrolier ne sera autorisé à accoster dans les ports de l’Est sans la permission de la National Oil Corporation (NOC)». Sauf que la NOC, la compagnie pétrolière à laquelle fait allusion le général Ahmed al-Mesmari, porte-parole de l’«Armée nationale libyenne» (ANL) dirigée par Khalifa Haftar, n’est pas celle du gouvernement reconnu.
La Libye s’enfonce un peu plus dans la crise avec un nouveau bras de fer entre autorités politiques rivales, autour du contrôle des terminaux pétroliers et de la gestion des revenus de l’or noir, loin des engagements pris le mois dernier à Paris.
Déchirée par une lutte de pouvoir acharnée et plongée dans le chaos depuis l’intervention de l’OTAN et la chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est dirigée par deux entités rivales : le gouvernement d’union nationale (GNA), issu d’un processus onusien et reconnu par la communauté internationale, basé à Tripoli, et un cabinet parallèle installé dans l’Est.
Ce dernier est soutenu par l’ANL, force paramilitaire autoproclamée dirigée par le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est du pays, qui tente désormais de s’emparer de la gestion des pétrodollars, la source majeure de revenus. Dans un profond geste de défiance Khalifa Haftar a annoncé le 25 juin que toutes les installations sous le contrôle de son «armée» seraient remises à la Compagnie du pétrole du gouvernement parallèle basé dans l’est.
En réaction, le GNA a appelé ce 26 juin le Conseil de sécurité de l’ONU à bloquer «toute tentative de vente illégale de pétrole». «Remettre les terminaux pétroliers à une entité qui n’est pas légitime ne fait qu’exacerber les tensions, […] nuit au processus d’entente et incite à la discorde et à la division», a affirmé le gouvernement dans un communiqué.
Deux compagnies pétrolières, deux banques centrales
L’ANL contrôle notamment les quatre terminaux du Croissant pétrolier (nord-est), en plus du port de Hariga, à Tobrouk, près de la frontière égyptienne, par lesquels l’essentiel du pétrole libyen est exporté. Jusqu’ici, ces sites sont gérés par la compagnie pétrolière nationale de la Libye (NOC) basée à Tripoli, en charge aussi des exportations conformément à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.
Les revenus du brut ont été gérés jusqu’ici par la Banque centrale dépendant du GNA et basée à Tripoli, qui se charge de «redistribuer l’argent dans toutes les régions et institutions», y compris dans les zones sous contrôle des autorités parallèles, a assuré devant la presse le vice-Premier ministre du GNA, Ahmed Meitig.
Chacun des deux camps rivaux dispose de sa banque centrale et de sa «compagnie nationale» de pétrole, mais la communauté internationale ne reconnait que celles qui dépendent du GNA. Fin mai, le président français Emmanuel Macron avait réuni à Paris les principaux protagonistes de la crise libyenne, dont Khalifa Haftar et le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, et obtenu un engagement sur des élections en décembre et l’unification des institutions.