Née au forceps, manifestant une volonté présidentielle inébranlable finissant par s’imposer, la loi organique sur la réconciliation administrative n°62 du 24 octobre 2017a été promulguée et publiée au Journal officiel n° 85 du 24 octobre 2017; il lui reste à apporter effectivement la preuve de son intérêt qu’est la réconciliation.
Quelle réconciliation?
La loi se donne pour ambition, dans son article premier, de promouvoir dans l’administration un meilleur climat qui soit propice à encourager l’esprit d’initiative en vue de renforcer la confiance dans les institutions de l’État; ce qui impose que la réconciliation qu’elle vise.
Ainsi, d’après l’article 2, elle dégage de toute responsabilité, pénale particulièrement, les fonctionnaires publics et assimilés pour les actes pris en contravention avec la législation du pays, à la condition qu’ils n’aient entraîné aucun intérêt personnel pour ces fonctionnaires. Dans ce cadre, l’État renonce aussi à ce qui lui reviendrait du fait de tels actes comme réparation, matérielle ou morale. À noter qu’un tel dégagement de responsabilité s’applique pour la période allant du 1er juillet 1955 au 14 janvier 2011.
Apparemment, ce texte est taillé sur mesure pour les hauts fonctionnaires qui avaient des responsabilités mises au service de la dictature. Ce qui limite bien la portée de la réconciliation si on en exclut tous les autres fonctionnaires, sans responsabilité par exemple et qui ne rentreraient pas dans le strict cadre de la loi si elle fait l’objet d’une interprétation limitative. Ce qui va à l’encontre de sa visée même qui est la réconciliation, qui se doit donc d’être sans exclusive.
Une réconciliation sans exclusive
Pour être une loi de justice véritable et satisfaire à son ambition affichée d’assainir les administrations du pays, cette loi doit faire l’objet d’une interprétation extensive en permettant de régulariser la situation de tous les fonctionnaires encore brimés dans ces administrations pour différentes raisons et qui n’arrivent pas à rentrer dans leurs droits à ce jour.
La réconciliation visée par la loi ne doit donc pas se limiter aux cadres ayant mal agi, mais elle doit être étendue également à tous les autres n’ayant pas nécessairement mal agi, mais qui n’ont pas moins souffert de l’ancienne administration du moment, et ce qu’ils respectent la condition posée par la loi, à savoir l’absence d’enrichissement ou d’intérêt personnel indus.
Or, de tels cas sont nombreux dans les services administratifs au prétexte l’impossibilité juridique d’y mettre fin. Aussi, la loi de réconciliation doit-elle le permettre d’autant mieux que sa promulgation a été l’objet de contestation quant à un soupçon d’iniquité. Pour se laver d’un tel péché originel, la loi doit ainsi permettre d’en finir avec toutes les injustices.
En finir avec toutes les injustices
Quand un texte juridique a pour ambition de servir la justice et qu’une telle nature est juridiquement contestée, le meilleur moyen de lever un tel doute est d’être appliqué de la manière la plus extensive possible dans le sens de l’équité pour tous les cas où la réconciliation impose réparation et régularisation de situations administratives bloquées pour des arguties juridiques.
Cela doit, par exemple, concerner le cas de ces fonctionnaires ayant été exclus de la fonction publique à tort et qui, n’ayant pas porté plainte, mais ayant demandé leur réintégration et la reconstitution de leur carrière depuis la révolution, et même avant, n’y sont pas parvenus à ce jour pour divers prétextes, comme l’ancienneté des faits ou l’atteinte d’âge de la retraite.
En utilisant la loi pour en finir avec toutes les injustices dans nos administrations, on apportera bien la preuve que son intention était effectivement et est la réconciliation et non point le service des copains et des coquines ainsi qu’on a pu le dire.
Par exemple, cela se ferait en permettant à de tels fonctionnaires ayant atteint l’âge de la retraite de retrouver non seulement leurs droits par la régularisation de leur situation administrative, mais aussi pour qui le souhaite et le mérite au vu de son profil parmi eux, le service du pays moyennant un maintien exceptionnel en exercice public en guise de réparation du tort subi.
Par Farhat Othman