Hasna, la fée du village.

El Haouaria a perdu, il y a deux ou trois ans, une figure connue par tous les habitants ainsi que par tous les visiteurs qui ont l’habitude de fréquenter le quartier de la Station de Louages.
Il s’agit de la fameuse Hasna qui, ayant perdu la mémoire de son enfance et de ses références familiales, a préféré habiter la rue au point d’en constituer une figure emblématique.
Toujours souriante et même coquette, son regard malicieux et guilleret accroche un instant celui de ceux qui la dévisagent pour se perdre aussitôt dans les dédales d’un monde mystérieux dont elle, seule, connaît le secret.
Jamais, elle ne se permet d’importuner les passants ou de leur demander quoi que ce soit.
Trainant constamment un baluchon informe rempli de ses « trésors » ramassés dans la rue, elle n’hésite pas à confier sa fatigue à une marche de trottoir, à un perron de maison ou à l’escalier d’entrée d’une banque ou d’une administration.
Les bonnes âmes charitables et certains membres de sa famille ont même beau essayé de lui proposer le gîte, les soins et le couvert, elle a toujours tenu à décliner leur offre et préféré le confort secret de sa bulle insondable et secrète et l’étrange liberté de sa solitude.
Hasna qui devait avoir la soixantaine mais qui en paraîssait beaucoup moins nous a quittés, une nuit de pleine lune, sans nous dire au revoir et sans nous prévenir.
Comme pour s’excuser de n’avoir jamais existé .
Tous les habitants du village n’ont pas manqué d’aller à l’enterrement de Hasna car, pour eux, elle a toujours incarné un peu l’innocence des anges du Paradis.
Le pendant masculin de Hasna existe aussi et fréquente à peu près les mêmes espaces mais en plus triste et plus taciturne.
A les voir traîner leurs baluchons de mystères insondables, on ne peut que se demander s’ils n’appartiennent pas à une autre planète.

Wahid Ibrahim, que El-Haouaria a perdu hier ,  paix à son âme