Ce qu’ils peuvent être minables tous ces pseudo-progressistes qui, depuis hier, ne tarissent pas d’éloges sur Kaïs Saïed. Nombreux sont les journaleux, animateurs, facebookers et citoyens ordinaires qui ont opéré un retournement de veste spectaculaire. En réalité, ils essayent de se rassurer en voyant en Kaïs Saïed un honnête universitaire qui mène une vite d’ascète et qui peut paraître un peu trop conservateur aux yeux des plus zélés des progressistes qui veulent aller plus vite que la musique en imposant au reste de la société un modèle qui n’est pas le sien, en l’occurrence un modèle importé d’Occident.
Ces baisseurs de frocs lui trouvent, maintenant, des qualités multiples et salutaires : « Après tout, c’est un monsieur reconnu pour sa droiture et qui s’est toujours distingué par sa conduite désintéressée » ; « les gens qui le connaissent apprécient son sérieux , son légalisme et son intransigeance sur la morale » ; « sa femme est dévoilée et a l’air moderne. Si c’était un obscurantiste, elle l’aurait abandonné depuis bien longtemps »…
D’autres pseudo-progressistes se mettent dans un état psychologique et une posture capables d’apaiser leur déception, ils cherchent des excuses convaincantes à une populace qui a permis à un psycho-rigide identitaire et une crapule notoire d’arriver au second tour des élections présidentielles. Ils adoptent une attitude d’autocritique, un tantinet auto-flagellatrice, et se montrent compatissants à l’égard des petites gens qui, dans un acte de désespoir, ont envoyé au second tour deux catastrophes : « Nous vivons dans notre tour d’ivoire et sommes insensibles aux malheurs des damnés de la terre » ; « bien fait pour cette élite rongée par l’égoïsme ! » braient-ils.
Ces progressistes se sont subitement découverts une vocation charitable, au lendemain des résultats du premier tour des élections, en sirotant tranquillement leur mojito au Jobi de Gammarth. Ils se sont mis une couronne sur la tête et ont attribué aux leurs tous les péchés de l’humanité pour dédramatiser, pour trouver une bonne excuse aux imbéciles dénués de tout sens de discernement qui enchaînent les votes-catastrophiques depuis 2011, pour ne pas sombrer dans la haine du bougnoule con, affamé, indigent matériellement et intellectuellement, qui vote pour n’importe qui et qui est manipulable et influençable à souhait.
Toujours parmi les pseudo-progressistes, certains se sont mis à botter en touche les sujets sociétaux qui dérangent le « bon peuple » conservateur. Ils se sont mis à recourir aux mêmes procédés rhétoriques employés par les conservateurs qui, dès que l’on évoque un sujet qui dérange, cherchent à briser l’élan libérateur à l’aide d’arguments fallacieux : « Ce n’est pas le bon moment ! » ; « Est-ce le bon moment pour parler des libertés ? » ; « Vous parlez de choses futiles, tandis que les problèmes essentiels, tels que le chômage des jeunes, la femme rurale et l’endettement de l’Etat, sont relégués au second plan » ; « Après tout, qui les a dérangés ces bourgeois qui craignent pour leur mode de vie et qui tiennent à préserver leur tranquillité et leur petit confort matériel ? »… En d’autres termes « fermez-là ! Et, à partir de maintenant, évitez de blesser vos cons-patriotes dans leurs susceptibilités religieuses et leurs croyances ! Évitez d’exprimer en public des convictions choquantes et de défier les mœurs conservatrices de la société ! »
En tenant de tels propos, tous ces pseudo-progressistes s’allient objectivement aux réactionnaires et aux conservateurs de tout poil.
Pierrot LeFou