La directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay, a rappelé lundi que les États-Unis avaient ratifié deux conventions protégeant les biens culturels en cas de conflit, après des menaces de Donald Trump contre des sites culturels iraniens.
Le président des Etats-Unis a menacé de détruire des sites culturels en Iran, en représailles à d’éventuelles attaques du régime. Une décision qui violerait plusieurs conventions internationales.
Donald Trump n’a jamais caché son mépris du droit international. Candidat, il avait estimé légitime l’exécution des familles des terroristes, une action interdite par les Conventions de Genève. Président, il vient à nouveau d’appeler à piétiner les normes établies, en menaçant l’Iran de détruire certains de ses sites culturels. Après un premier message , samedi 4 janvier , évoquant 52 sites susceptibles d’être frappés, dont des lieux classés par l’UNESCO patrimoine international et «très importants pour l’Iran et pour la culture iranienne», Donald Trump a insisté dimanche soir à bord d’«Air Force One», l’avion présidentiel : «Ils ont le droit de torturer et de mutiler les nôtres. Ils ont le droit d’utiliser des bombes et de faire sauter les nôtres. Et nous n’avons pas le droit de toucher à leur site culturel? Ça ne marche pas comme ça», a-t-il déclaré cité par le «New York Times». Tant pis, si quelques heures plus tôt, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, évitant de confirmer que des sites culturels pouvaient être visés, avait promis que les Etats-Unis agiraient «dans le cadre de la loi».
La destruction de sites culturels, nombreux en Iran, est en effet interdite par le droit international. L’Unesco vient de le rappeler au dirigeant américain. Dans un communiqué, la directrice générale de l’organisation, la Française Audrey Azoulay, souligne que l’Iran comme les Etats-Unis sont signataires de textes de 1954 et 1972 qui interdisent d’agir comme le préconise Trump. Ainsi, la «Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé» de 1954 prévoit que les parties «s’interdisent toute mesure de représailles à l’encontre des biens culturels». La Convention de 1972 sur la protection du patrimoine mondial, elle, prévoit que chaque Etat «s’engage à ne prendre délibérément aucune mesure susceptible d’endommager directement ou indirectement le patrimoine culturel et naturel qui est situé sur le territoire d’autres États parties à cette convention».
Il y a peu de chances, toutefois, que l’avertissement de l’Unesco n’émeuve Donald Trump : dès ses premiers mois à la Maison-Blanche, le milliardaire avait décidé le retrait des Etats-Unis de cette organisation internationale, accusée de «biais anti-Israël».
L’Iran accuse Trump de vouloir « répliquer les crimes de guerre de l’Etat islamique »
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avait répondu dimanche aux propos de Donald Trump en l’accusant de vouloir «répliquer les crimes de guerre de l’Etat islamique ( Daech ) en visant notre patrimoine culturel». «Depuis des millénaires, des barabares sont venus et ont ravagé nos villes, rasé nos monuments et brûlé nos librairies. Où sont-ils maintenant?», avait-il tweeté.
Ces menaces s’inscrivent dans l’escalade qui oppose l’Iran et les Etats-Unis, brutalement accélérée depuis l’exécution par drone du général iranien Qassem Soleimani, la semaine dernière.
Ces dernières années, les attaques contre le patrimoine culturel ont été l’apanage de groupes terroristes. En 2015, l’Etat islamique avait procédé à la destruction d’une partie du site archéologique de Palmyre en Syrie. En 2001, les talibans avait détruit trois bouddhas monumentaux dans la vallée de Bâmiyân, dans le centre de l’Afghanistan.
Menaces contre des sites culturels iraniens : la cheffe de l’UNESCO reçoit l’ambassadeur d’Iran
La Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, a reçu lundi Ahmad Jalali, Ambassadeur d’Iran auprès de l’agence onusienne, et a discuté des tensions au Moyen-Orient, en particulier en ce qui concerne le patrimoine et la culture.
Cette rencontre a eu lieu après que le Président américain Donald Trump a menacé ce weekend de frapper 52 sites iraniens, dont des sites culturels, si l’Iran décidait de se venger de la mort du puissant général iranien Qassem Soleimani tué par un drone américain jeudi à Bagdad, en Iraq.
« La Directrice générale a rappelé les dispositions de la Convention de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et de la Convention de 1972 concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, deux instruments juridiques qui ont été ratifiés par les États-Unis et l’Iran », a précisé dans un communiqué de presse l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), dont le siège est à Paris.
La Convention de 1972 stipule, entre autres, que chaque État partie « s’engage à ne prendre aucune mesure délibérée qui pourrait endommager directement ou indirectement le patrimoine culturel et naturel […] situé sur le territoire d’autres États parties à la présente Convention ».
Mme Azoulay a également rappelé les termes de la résolution 2347 du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée à l’unanimité en 2017, qui condamne les actes de destruction du patrimoine culturel.
Enfin, Mme Azoulay a souligné « l’universalité du patrimoine culturel et naturel en tant que vecteurs de paix et de dialogue entre les peuples, que la communauté internationale a le devoir de protéger et de préserver pour les générations futures ».
Les menaces de Donald Trump ont suscité des réactions indignées jusqu’aux États-Unis où experts juridiques, anciens diplomates et membres de l’opposition démocrate citaient les conventions internationales et la loi américaine pour dénoncer la perspective de « crimes de guerre ».
L’Iran compte une vingtaine de sites classés au patrimoine mondial par l’Unesco, dont l’ancienne ville de Bam ou le vieux bazar de Tabriz