La sonde « Solar Orbiter » est partie explorer le soleil

Dans la nuit de dimanche à lundi, la sonde euro-américaine Solar Orbiter a décollé avec succès de Floride pour étudier le soleil pendant dix ans. L’objectif de la sonde est de comprendre les tempêtes chargées de particules qui peuvent provoquer des pannes sur Terre.

La sonde spatiale Solar Orbiter de la NASA et de l’Agence spatiale européenne a décollé avec succès dimanche soir du Centre spatial Kennedy au cap Canaveral, en Floride, pour effectuer un voyage de quelque 150 millions de kilomètres à la conquête du Soleil.

Le décollage spectaculaire de la sonde au sommet d’une fusée Atlas V 411 a illuminé le ciel floridien à plusieurs kilomètres du pas de tir. Des gens se sont massés sur des routes et des plages des environs pour y assister.

Environ 90 minutes après avoir quitté la Terre, les ailes solaires de la sonde de 1800 kilogrammes se sont déployées.

Solar Orbiter ira rejoindre dans la région solaire la sonde de la NASA Parker Solar Probe lancée il y a un an et demi. La délicate mission de la sonde construite au coût de 1,5 milliard de dollars américains prévoit de s’approcher le plus près possible des pôles du Soleil afin d’en découvrir des secrets. Ces zones n’ont jamais été photographiées jusqu’ici.

La première approche de Solar Orbiter doit avoir lieu en 2022 : elle se déplacera alors à environ 42 millions de kilomètres du Soleil, à l’intérieur de l’orbite de la planète Mercure.

Parker Solar Probe s’est quant à elle déplacée à 18,6 millions de kilomètres du Soleil, mais ne s’est jamais approchée des pôles.

« C’était parfait »

Après un passage par l’orbite de Vénus, puis celle de Mercure, le satellite, dont la vitesse maximale atteindra 245 000 km/h, s’approchera à 42 millions de kilomètres du Soleil, soit moins d’un tiers de la distance Soleil-Terre. « Je pense que c’était parfait, tout à coup on a vraiment l’impression d’être connecté à tout le système solaire », a dit Daniel Muller, du projet ESA, peu après le lancement. « On est ici sur Terre et on a lancé quelque chose qui ira près du Soleil ».

« Nous avons un objectif commun, celui de tirer le meilleur parti scientifique de cette mission. Je pense que nous allons réussir », a abondé Holly Gilbert, directrice de la division des sciences héliophysiques de la Nasa.

Solar Orbiter « aura la capacité de regarder le Soleil directement », explique à l’AFP Matthieu Berthomier, chercheur CNRS au laboratoire de physique des plasmas de l’école Polytechnique.

La sonde sera la plus proche du Soleil tous les six mois, à seulement 42 millions de kilomètres (26 millions de miles), c’est-à-dire plus proche du Soleil que Mercure. Elle est protégée par un bouclier thermique, car il fera très chaud, de l’ordre de 600°C. »Quand on est aussi proche du Soleil, on n’a pas de problème d’énergie, mais on a un problème de température », a expliqué vendredi depuis le centre spatial Kennedy Ian Walters, chef du projet chez Airbus, qui a construit l’appareil.

Comprendre le soleil

Les nouvelles données recueillies viendront compléter celles de la sonde Parker de la Nasa, lancée en 2018, qui s’est approchée bien davantage de la surface de l’astre (7 à 8 millions de kilomètres), mais sans technologie d’observation directe, la chaleur étant trop intense.

Avec six instruments imageurs (télédétection), la sonde européenne pourra elle « voir » l’astre à une distance encore jamais égalée. Et révéler les pôles du Soleil, dont on ne connaît actuellement que les régions équatoriales. Quatre autres instruments de mesures « in situ » serviront à sonder l’environnement autour du Soleil.

Objectif principal de la mission : « comprendre comment le Soleil crée et contrôle l’héliosphère », la bulle de matière entourant tout le système solaire, résume Anne Pacros, responsable mission et charge utile de l’ESA.

Cette bulle baigne dans un flot permanent de particules, appelé vent solaire, qui varie beaucoup, de façon mystérieuse. Les vents sont parfois perturbés par des tempêtes, provoquées par des éruptions qui éjectent un nuage de champ magnétique et de particules chargées se propageant dans l’espace.

« Événement de Carrington »

Ces tempêtes sont difficiles à prévoir. Elles ont pourtant un impact direct sur notre planète: lorsqu’elles viennent frapper la magnétosphère de la Terre, cela provoque de jolies et inoffensives aurores boréales, mais peut s’avérer plus dangereux. « Cela perturbe notre environnement électromagnétique. C’est ce qu’on appelle la météorologie de l’espace, qui peut affecter notre vie quotidienne », décrypte Matthieu Berthomier.

La plus grande tempête solaire connue de l’humanité, dite « événement de Carrington », survint en 1859 : le réseau des télégraphes aux États-Unis fut détruit, des agents reçurent des décharges, du papier brûla dans les stations, et la lumière boréale fut visible à des latitudes inédites (jusqu’en Amérique centrale).

En 1989 au Québec, la modification du champ magnétique de la Terre créa un courant électrique à très grande échelle qui, par effet domino, fit disjoncter les circuits électriques, provoquant un gigantesque black-out.

Les éruptions peuvent également perturber les radars dans l’espace aérien (comme en 2015 dans le ciel scandinave), les fréquences radio, et endommager des satellites. « Imaginez la moitié des satellites en orbite détruits, ce serait une catastrophe pour l’humanité ! », avance Matthieu Berthomier.

En observant les régions solaires qui sont directement liées aux sources des vents, les mesures de Solar Orbiter « vont permettre d’élaborer des modèles pour affiner les prédictions », espère Anne Pacros.

Le voyage de la sonde durera deux ans, sa mission scientifique entre 5 et 9 ans. Mais Cesar Garcia, chef du projet à l’ESA, a affrimé qu’au bout de dix ans, la sonde aurait encore assez de carburant pour continuer son travail, si tout va bien.

Avec agences