Dans un pays où être une femme est déjà une lourde charge, une présomption de culpabilité et une condamnation ; que faut il rajouter pour l’enfoncer un peu plus, l’accabler, la réduire à la fonction primaire de servante des tubes digestifs, l’asservir à jamais, lui faire porter la pierre de Sisyphe de toutes les tares d’une société en décomposition ?
« Une femme qui ne sait pas rouler le couscous est une menace pour sa famille » en nouvelle accusation.
Ce n’est pas l’expression sexiste et réductrice d’un jeune de quartier quasi-analphabète et un peu bébête formaté à la domination et perdu dans sa frustration ; Non, ce sont les mots d’une femme mâture, philosophe de formation et haut cadre de la nation .
Nous savons donc à présent grâce à madame la ministre que la délinquance sous toutes ses formes, le viol, les vols, les divorces, les crimes, les agressions, le manque de culture et d’éducation sont causés par la force maléfique d’une mère qui ne sait pas rouler les grains divins et qui consacre son temps à d’autres tâches forcément diaboliques destinées à mettre en péril la famille en la sacrifiant sur l’autel de la tentation.
Il faut dire que l’année passée à son haut poste elle n’a pas eu grand chose à faire entre pandémie, crise économique et confinement ; la culture mise en berne et les évènements en suspension il fallait bien qu’elle se trouve une occupation .
Pourquoi pas alors gardienne du temple de la société patriarcale qui enferme la femme dans le carcan de la servitude et de la soumission ?
Chère madame la ministre, ce n’est pas le fait de ne pas savoir rouler le couscous et sasser les grains pour le séparer du berkoukes qui met en danger la famille ; c’est plutôt ne pas savoir rouler sa langue sept fois dans sa bouche et sasser les pensées pour séparer les inepties des bonnes idées qui représentent une menace pour la famille, la société et le pays tout entier.
Je ne veux pas rouler le couscous , je l’achète comme toutes les femmes actives qui ont d’autres chats à fouetter, pas d’espace pour l’étendre et le sécher et très peu de temps à dilapider ; Et Ô blasphème je ne suis même pas fan de ce plat qui réunit l’Afrique du Nord comme n’ont jamais réussi à le faire les politiques, mais je vous rassure, j’ai d’autres qualifications et occupations que j’estime bien plus gratifiantes, mes enfants sont très équilibrés et brillants et ma famille ne connaît ni incultes ni délinquants.
Alors chère madame au discours populiste, poussiéreux et abêtissant il est impératif de vous trouver un bon chargé de communication et apprenez au moins le verbe qui désigne la tâche que vous voulez imposer à la femme Algérienne du 21ème siècle en bonne moralisatrice du «faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais » .
Notre darja tout comme le couscous étant un patrimoine culturel, alors «Teftel » est le verbe qui désigne l’action de rouler les grains de la concorde après discorde et de la bénédiction.
Bonjour le monde , bonjour l’humanité !!
Taous Ait Mesghat
Illustration haut de page : Malika Bendouda , ministre algérienne de la culture qui considère « qu’une femme qui ne sait pas rouler le couscous est une menace pour sa famille »
Ecoutez Bendouda