Ce matin, une audience cruciale se tient dans l’affaire dite du « complot contre la sûreté de l’État ». Ce dossier, qui suscite de nombreuses interrogations, soulève des questions sur la solidité des preuves présentées et les conditions dans lesquelles le procès se déroule. Après plus de deux ans de détention préventive, les accusés ne sont pas autorisés à assister à leur propre audience, ce qui alimente les débats sur le respect de leurs droits fondamentaux.
Des accusés absents de leur procès
Les personnes mises en cause sont accusées de « conspiration » et de « terrorisme », des chefs d’accusation graves pouvant entraîner des peines très lourdes, y compris la peine de mort. Cependant, depuis leur arrestation il y a plus de deux ans, elles n’auraient pas été interrogées de manière approfondie ni confrontées à des éléments probants, selon leurs défenseurs. Aujourd’hui, elles sont empêchées d’être présentes au tribunal pour répondre directement aux accusations, ce qui compromet leur capacité à faire valoir leurs arguments. Cette absence pose une question essentielle : comment garantir un procès équitable, tel que prévu par la loi et les normes internationales, si les accusés ne peuvent se défendre en personne ?
Des zones d’ombre dans le dossier
Ce dossier présente plusieurs éléments troublants qui interrogent sa crédibilité :
Des responsables mis en cause : Le directeur de la police judiciaire, à l’origine du signalement, est actuellement en détention pour des soupçons de corruption. Le chef de cabinet de la ministre de la Justice, impliqué dans les débuts de l’affaire, est également incarcéré pour des faits similaires. Par ailleurs, le juge d’instruction ayant conduit l’enquête a quitté le pays, et des rumeurs – non confirmées – évoquent son implication dans une affaire d’espionnage. Ces éléments soulèvent des questions sur la gestion initiale du dossier.
Des témoignages incertains : L’accusation repose sur les déclarations de trois personnes. L’un des témoins, en prison depuis 2017, rapporte des faits supposés avoir eu lieu en 2022-2023. Un autre, surnommé XXX, affirme qu’un individu en Belgique lui aurait parlé d’un complot, relayé par une personne en Angleterre. Problème : ces 2 témoins n’apparaissent nulle part dans le dossier. Aucun nom, aucune audition, aucune vérification n’a été effectuée. Il apparaîtrait même qu’ils n’existent pas. De plus, certaines arrestations ont eu lieu avant même que ces témoignages ne soient recueillis, ce qui interroge la chronologie des événements.
Une réunion à l’ambassade ? : L’un des points les plus surprenants est l’allégation selon laquelle une réunion liée au prétendu complot se serait tenue à l’ambassade de Tunisie en Belgique. Ce lieu, rattaché à l’État que les accusés sont supposés vouloir déstabiliser, est hautement sécurisé et surveillé par des caméras et des agents. Organiser une réunion secrète dans un tel endroit semble difficilement crédible. Pourtant, aucun employé de l’ambassade n’a été interrogé, et aucune preuve, comme des enregistrements vidéo, n’a été présentée.
Une incohérence marquante : Le dossier mentionne la participation d’un syndicaliste, Bouali Mbareki, à des événements en 2022… alors qu’il est décédé en 2020. Cette erreur chronologique reste inexpliquée.
Une opposition inquiète, pas un complot ?
Au cœur de cette affaire, il semble s’agir de discussions menées par des opposants politiques, préoccupés par un chamboulement constitutionnel majeur dans leur pays, changement susceptible de porter un coup d’arrêt aux avancées démocratiques réalisées par la Tunisie depuis 2011… Ces opposants auraient rencontré des diplomates étrangers pour exprimer leurs inquiétudes et chercher un soutien. Si certains peuvent juger ces contacts inappropriés, ils ne constituent pas un complot contre l’État. Un complot impliquerait des actions concrètes, comme des préparatifs, des complices dans les forces de l’ordre ou des moyens matériels. Or, à ce jour, aucune preuve de ce type n’a été rendue publique.
À titre de comparaison, après 2011, de très nombreuses personnalités politiques ont rencontré des diplomates et journalistes étrangers pour critiquer ouvertement le gouvernement de l’époque, l’accusant de dérives graves, sans que cela ne soit qualifié de trahison. Cette différence de traitement interroge sur l’application des lois dans des contextes politiques différents.
–Pourquoi un procès si discret ?
Le fait que les audiences ne soient pas publiques et que les accusés soient absents du tribunal suscite des questionnements. Une plus grande transparence permettrait de clarifier les éléments du dossier et de répondre aux doutes sur sa solidité. Les accusés, eux, souhaitent que l’affaire soit examinée ouvertement, affirmant n’avoir rien à cacher. Une justice équitable, qui garantit à chacun le droit de se défendre, est une valeur fondamentale qui concerne tous les citoyens.
Un appel à la transparence et à la justice
Ce matin, à partir de 9h, un rassemblement est prévu devant le tribunal de première instance de Bab Bnet pour demander un procès équitable et transparent. Cette affaire, par sa complexité et ses zones d’ombre, mérite un examen rigoureux afin de garantir que la vérité éclate et que justice soit rendue dans le respect des droits de tous.
Abdelaziz Belkhodja