Quand la machine s’emballe

Quand une machine s’emballe, elle écrase tout sur son chemin… Elle n’a plus de repères, elle n’a plus de mesure, elle n’a plus de contrôles, elle n’a plus de limites, elle n’a plus de mécanismes régulateurs… Elle n’est sujette qu’à la logique de sa force brute et celle de sa mécanique implacable.

La machine infernale qui s’est emballée en Tunisie assassine la justice, piétine le droit et l’État de droit, écrase l’humain, tue la vérité, et bannit le rationnel… Elle fait place à l’arbitraire, au chaos, à l’absurde, à l’inhumain et à l’irrationnel. Elle n’a de préoccupation que de satisfaire ses besoins en énergie en consommant ce qui est disponible et à portée de main.

Cette nourriture, ce sont les mensonges, les discours de haine, les chimères et les fantasmes ! Elle ne distingue pas le bien du mal, le bon du mauvais, le moral de l’immoral, le vrai du faux, la raison de la folie, l’honneur du déshonneur. Elle ne laisse aucune place pour l’humain, la tolérance, le vivre-ensemble, la création, l’entreprise, le progrès et la vie. Alors elle ne fait que détruire, et faire émerger et laisser derrière elle un monde en friche, une société disloquée, un excès de misère et de souffrance humaines, et la prévalence du désespoir et de la violence.

Quand une machine s’emballe, c’est que ses créateurs ont perdu le contrôle et la maîtrise de ce qu’ils ont enclenché… Alors la machine finit par s’enfoncer dans les sables mouvants de la complexité sociale, par se perdre dans les méandres de la vie réelle, et par se fracasser contre le mur de la volonté humaine.

Dans tout ce fracas, elle finit toujours par écraser et consommer le monstre qui l’a créée !

Par Mustapha Kamel Nabli*

*Ancien Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie

*Ancien ministre du Plan et du Développement régional

NDLR- Ce texte est une réaction de Meur Mustapha Kamel Nabli à sa condamnation à 33 ans d’emprisonnement dans le cadre de l’affaire dite de « complot contre la sûreté de l’État ». Le verdict, prononcé à l’aube du 19 avril 2025, a suscité une vive controverse en raison des nombreuses zones d’ombre entourant le dossier