J’ai connu Ahmed Souab quand il était jeune juge au tribunal administratif en charge des plaintes des retraités, des veuves et des orphelins affiliés de la CNRPS.
Sid’ Ahmed y débarquait tout le temps. Il s’y plaisait : La classe, l’humilité, les sentences justes et équitables. Toujours prises en son âme et conscience. C’est vrai qu’à l’époque, on était tous cadres syndiqués ou membres du syndicat Fraichement débarqués des facs, imbus de gauchisme et de militantisme à tel point que Ridha Hamza, le tout puissant PDG de la boite qui la présidait nous appelait « Les brigades rouges du 4ème ».
On se respectait et on rigolait à gorges déployées avec sa voix qui raisonnait jusqu’aux oreilles du big-boss en bas. Mais on travaillait. Ahmed Souab voulait tout comprendre à propos de chaque cas et dans les moindres détails sur cette matière techniquement pointilleuse : Les fondements juridiques de la décision de refus de la caisse, son impact financiers , les politiques de sécurité sociale de Tunisie, les régimes, leur équilibre financier… Un frère, un copain, un militant et un citoyen qui aimait son pays et son prochain qui comprenait mieux que nous finalement les subtilités de la matière. Un spécialiste. Au point que parfois et même si on tordait un peu le cou à la loi qui priverait une veuve de son droit à une pension conséquente, il ressortait avec la conviction intime de son jugement en tête en faveur de la veuve et de l’orphelin et il nous l’annonçait : Vous êtes cons les potes vous et votre patron de refuser des subsides à une veuve où à un orphelin, je vais vous débouter et annuler votre décision. Le tout finit ensemble en rigolades autour d’un café dans la buvette d’en bas. Un grand juriste doublé d’un amour incommensurable pour son pays.
La manif d’hier pour le libérer m’a réconcilié avec ma Tunisianité et avec les compatriotes comme lui descendus dans la rue crier haut et fort leur ras le bol…pour le libérer, libérer la Tunisie.
L’agitateur