J’ai regardé, hier soir, « Les Diaboliques » d’Henri-Georges Clouzot. Ce grand classique du cinéma français est une adaptation libre de Celle qui n’était plus, un roman de Boileau-Narcejac. Ce film a largement contribué au succès du roman. Pierre Boileau et Thomas Narcejac, pseudonyme de Pierre Ayraud, plus connus sous le nom de Boileau-Narcejac, étaient des auteurs à succès dont le lectorat a augmenté grâce aux réalisateurs qui portaient souvent leurs fictions à l’écran : D’entre les morts (Vertigo/Sueurs froides de Hitchcock), Les Louves, Les Magiciennes, Et mon tout est un homme… L’association littéraire de Boileau et Narcejac fut des plus fécondes. En effet, les deux auteurs ont publié des dizaines de romans policiers et plus de cent nouvelles. Pierre Boileau construisait l’intrigue et Thomas Narcejac rédigeait le texte.
Le scénario du film de Clouzot propose une histoire sordide. Christina est une propriétaire d’un pensionnat (Véra Clouzot) qui vit sous le joug de son mari (Paul Meurisse), le directeur Michel Delasalle. L’homme est d’une intelligence retorse et sa capacité à tyranniser les siens est prodigieuse. Il violente sa femme Christina dont il refuse de se séparer et qu’il méprise. Et il ne la quitte pas pour sa fortune. Nicole Horner (Simone Signoret), enseignante de latin et maîtresse de Michel, n’est pas en reste et subit le même sort que l’épouse. Les deux femmes se lient d’affection et, ne pouvant plus résister à la tyrannie de cet homme exécrable, s’allient et conçoivent un plan d’homicide. Comme Christina Delasalle est une fervente catholique, elle est ébranlée jusqu’aux tréfonds de son âme et tourmentée par des crises de conscience. Nicole Horner, quant à elle, est très virile dans sa gestion de la situation. Elle est méthodique, organisée et exécute le plan d’une main de fer.
S’inspirant du roman Celle qui n’était plus, Henri-Georges Clouzot nous engage dans une intrigue noire alimentée de renversements, conspirations et autres diableries confectionnés avec subtilité et une adresse remarquable. Cette œuvre percutante révèle, une fois de plus, le sens inné du réalisateur à dépeindre les mondes clos comme il l’avait déjà fait dans Quai des Orfèvres et Le Corbeau. Les Diaboliques est servi par un remarquable trio de comédiens, en l’occurrence Paul Meurisse, Véra Clouzot et Simone Signoret qui, dans Les Diaboliques, sont au mieux de leur forme.
Les passionnés de littérature auront, bien entendu, compris que le choix du titre n’est pas anodin. En effet, plutôt que de reprendre le titre du roman duquel il s’est inspiré, Henri-Georges Clouzot a préféré intituler son film Les Diaboliques, en référence au recueil de Barbey d’Aurevilly dans lequel l’écrivain au catholicisme intransigeant souligne l’origine diabolique des perversions morales des héroïnes de ses nouvelles. Ces nouvelles, cruelles et écrites dans un style flamboyant, se veulent morales. D’ailleurs, Henri-Georges Clouzot reprend une citation des Diaboliques et la fait apparaître au tout début du film : « Une peinture est toujours assez morale quand elle est tragique et qu’elle donne l’horreur des choses qu’elle retrace. »
Pierrot LeFou
P.-S. : Ce film est disponible sur Youtube.