Attention ! Ne pas commettre l’imprudence de vendre un peu trop vite la peau de l’ours.

Le talentueux Haythem El Mekki a déclaré, hier, sur sa page Facebook, qu’Ennahdha était fini. Je pense que ce jugement est un peu hâtif.

En effet, le socle électoral d’Ennahdha a subi une érosion de niveau préoccupant, mais il n’est pas aussi fragile et faible qu’on pourrait le croire. Ennahdha et ses sbires font peut-être partie du passé (j’insiste sur l’adverbe peut-être), mais, une chose est sûre, l’islamisme est toujours là. Par conséquent, je ne commettrais pas l’imprudence de vendre un peu trop vite la peau de l’ours.

En outre, d’aucuns pensent que la défaite d’Ennadha et des partis appendices qui gravitent autour de lui, ou mieux leur éradication et disparition du paysage politique, sonnera le glas de l’islamisme en Tunisie. Ils considèrent qu’Ennahdha ne doit sa domination qu’aux puissances étrangères et qu’il évolue dans un contexte géostratégique qui lui est plus ou moins favorable. Ceux qui y croient ne font que se leurrer.

Ennahdha n’est pas seulement un « parti » qui dépend des puissances étrangères. Ennahdha est avant toutes choses un garde-fou d’un certain conservatisme culturel et social de la société tunisienne. Si la société se met à vouloir changer, à aller vers une nouvelle rupture des liens familiaux ou une sexualité plus ouverte, là, Ennahdha interviendra à coup sûr et constituera un frein à toute évolution de ce genre.

Ennahdha est à l’image du conservatisme de la société tunisienne. Si la société est très conservatrice, il n’aura pas vraiment d’agenda. Si la société essaye de se libérer du conservatisme social, Ennahdha tentera alors de juguler cette vague émancipatrice. C’est ça son identité !

Il demeure un parti familialiste, conservateur, ayant les yeux rivés sur un Orient moyenâgeux et viscéralement hostile au mode de vie occidental. C’est un parti francophobe, laïcophobe et qui prône la défense de l’islam, de la morale religieuse et des bonnes mœurs.

Ennahdha s’opposera toujours à l’égalité homme-femme dans l’héritage, à l’évolution des mœurs, etc., et ce, sans avoir d’agenda type charia et État islamique. C’est sa raison d’être.

Ennahdha n’est pas un simple parti politique. Qu’on le veuille ou non, il représente toute une frange de la société tunisienne et une des facettes de la personnalité du Tunisien. Et c’est tout le malheur de ce pays.

Pierrot LeFou