En Tunisie, la question de la place de la langue française s’invite régulièrement dans les débats. Elle reflète les valeurs (manifestes ou latentes) auxquelles adhèrent les conservateurs arabophones qui ne rêvent que d’une chose : dominer les jeunes esprits et orienter la société de demain.
Il faut comprendre que le rêve inavoué de ces conservateurs arabisants, un tantinet anglophones et foncièrement hostiles à la langue française, a toujours été de saper la langue et la culture françaises, héritage de la France et de Bourguiba, lequel héritage a permis à la majorité des Tunisiens d’être imperméables au conservatisme oriental. La langue française dérange parce qu’elle véhicule des valeurs humanistes fondées sur l’examen critique, le doute, le rejet du charlatanisme des religions, la laïcité, la tolérance et l’Etat de droit.
L’arabisation est la clé de voûte de leur projet conservateur pour la Tunisie, alors que l’arabisme est devenu un catalyseur des frustrations et des complexes qui rongent les bougnoules unilingues de ce pays. Il est à douter que l’arabisation et la volonté de faire de l’anglais la deuxième langue du pays, ou plutôt de faire du globish le corollaire de l’arabisation du système éducatif, soient un antidote au mal qui ronge notre population et qu’il puisse la propulser au rang de pays développé.
Nous, Tunisiens francophones, devons plus que jamais faire de la résistance de façon plus manifeste et ne plus craindre d’être traités de « vendus à la France », d’« orphelins de la France », de « nostalgiques du colonialisme ». Il ne faut pas craindre de déclencher le courroux des imbéciles et des obtus unilingues en nous montrant plus explicites et revendicateurs.
Il faut que tous ces identitaires rageux comprennent que nous considérons le français comme notre langue, au même titre que le dialecte tunisien, et que nous faisons une dissociation pure et simple entre la langue française et la France. La langue française appartient aux Tunisiens francophones autant qu’aux Français.
Nous devons assumer notre passion pour la langue française sans le moindre complexe et ne plus tempérer systématiquement nos positions et nos choix (choix de la langue utilisée) par des justifications oiseuses pour ne pas heurter la susceptibilité des défenseurs de l’« authenticité arabo-musulmane » de la Tunisie (eux, étant dans leur « bon droit », ne s’embarrassent guère de ce genre de scrupules) ou pour ne pas paraître ringards devant ceux qui veulent substituer l’anglais au français dans nos établissements scolaires et universitaires au nom d’un soi-disant pragmatisme.
Ces derniers doivent, d’ailleurs, comprendre qu’étant donné que nous avons été colonisés par la France, nous nous sommes imprégnés de ce pays, de sa langue, de sa culture et de son histoire. Le français est porteur de valeurs et d’une vision du monde que nous avons assimilées. Et, bien entendu, cela ne sera pas possible avec la langue anglaise.
La langue française doit absolument être reconnue comme une composante essentielle de notre identité, sinon elle aura de fortes chances d’être réduite à néant d’ici quelques années à cause de tous ces imbéciles unilingues et complexés.
Pierrot LeFou