Aux vrais ennemis que sont la pauvreté, la maladie et l’ignorance, il a été trop facile de substituer, dans l’esprit des tunisiens qui avaient le plus besoin de travail, d’hôpital et d’école, ces affameurs du peuple, ces pêcheurs en eaux troubles et ces traitres à la patrie qui empêchent leur génie, non point d’y remédier pour leur bien, c’eût été injurieux de leur en rappeler le grand besoin, mais, du haut de leur pinacle, d’en faire profiter l’humanité entière. La catastrophe et le ridicule enfin réunis!
Ce n’est pas là ce qui me préoccupe le plus. En effet, un mal plus pernicieux ronge la société tunisienne qui commence à présenter, en réaction à la fausseté des rapports qui y sont touchés, les signes d’une entropie distractive de l’essentiel, susceptible, si elle se prolonge, d’être métabolisée pour créer les conditions endémiques de discordes futures.
J’en appelle au sens de l’observation de chacun pour s’interroger, dans leur spécificité mentale, sur la nature de la satisfaction affichée par les victimes réelles ayant joué plus ou moins consciemment le jeu de cette tromperie, si ce n’est la promiscuité et sur celle de l’inaptitude des formations politiques à les en délivrer si ce n’est la trivialité.
Comment alors ne pas voir en tout cela un champ libre devant l’aventurisme politique et un paradis pour les vocations dictatoriales ?
Abdessalem Larif