Je viens de regarder Max et les Ferrailleurs du grand réalisateur français Claude Sautet. Un vrai chef-d’œuvre !
C’est l’histoire de Max (Michel Piccoli), un policier qui vient de laisser filer un gros coup : une bande de braqueurs que l’on attendait à l’arrivée d’un convoi de fonds a commis son forfait au départ. Dépité et se sentant coincé entre « d’un côté des ordures [les voyous], de l’autre des imbéciles [la hiérarchie] », Max tente de contenir sa rage et rêve d’un coup de filet. Il tombe par hasard sur Abel (Bernard Fresson), une vieille connaissance perdue de vue depuis une quinzaine d’années et qui fricote avec des ferrailleurs.
Le gang de malfrats auquel appartient Abel trafique à la petite semaine des pièces détachées de voitures volées. Le bar Saïdani, un bar miteux qu’ils fréquentent par tradition, leur sert de quartier général. Il appartient à la mère d’un membre du groupe, Robert Saïdani (Michel Creton), une ancienne prostituée.
Abel a une petite amie, Lily (Romy Schneider), une belle Allemande qui se prostitue pour se faire de l’argent facile. Abel n’est pas son maquereau, elle l’aime et la relation qu’elle entretient avec lui est plutôt saine.
Max se fait passer pour Félix, un banquier plein aux as, et devient rapidement le client régulier de Lily. Il lui fait croire que son petit-ami Abel et sa bande pourraient réussir un braquage facile contre sa propre agence bancaire.
A force d’essuyer des revers, Max est devenu obsédé par le flagrant délit car c’est le seul moyen d’envoyer les bandits en prison pour un bon bout de temps. Ainsi, il élabore un plan machiavélique, avec la complicité de sa hiérarchie qui ferme les yeux.
En réalité, Max n’est pas un super flic ou un franc-tireur, mais un policier qui a soif de justice, qui essaye de donner un sens à son métier et qui veut absolument en finir avec le sentiment d’impuissance qui le ronge intérieurement.
D’ailleurs, on apprendra au cours du film que Max est un propriétaire terrier riche, un ancien procureur devenu flic pour pouvoir arrêter les truands. C’est sa fortune personnelle qui lui permettra de mettre en place son stratagème et de louer ce studio parisien sans âme dans lequel il accueillera Lily.
Max se transforme en un monstre de froideur et d’ineffable dureté, il est prêt à manipuler tout le monde pour arriver à sa fin. Max incarne la Justice face aux ferrailleurs, mais ça reste l’histoire d’un homme qui va progressivement à la dérive en dépit des nobles intentions qui l’animent tout au long du film.
L’histoire peut paraître banale , mais l’épaisseur des personnages, marque de fabrique de Claude Sautet, et la qualité du scénario signé Claude Sautet, Claude Néron* et Jean-Loup Dabadie donnent à Max et les Ferrailleurs toute sa force. La relation étrange entre Max et Lili, la prostituée qui croit abuser du banquier alors qu’elle se fait manipuler, donne beaucoup d’intensité à ce film et laisse transparaître la complexité des sentiments.
Un sentiment d’attachement se développera entre Max et Lily. Les moments de complicité qu’ils partageront ensemble contribueront à la lente érosion de cette barrière affective que Max a érigée lors de la mise en place du stratagème. Les scènes intimistes entre Lily et Max sont interprétées avec beaucoup de justesse.
On a l’impression que ces deux grands acteurs qui se connaissent très bien jouent au jeu du chat et de la souris. Lequel va démasquer l’autre ? On a également l’impression que Max accepte l’amour de la prostituée et lui offre en échange une sorte de rédemption et de la respectabilité.
La scène de la séance photo dans la baignoire est d’une bouleversante authenticité. C’est une scène dont la spontanéité et la maladresse se mêlent parfaitement à la gravité qui est prépondérante dans le film.
Malgré son maquillage outrancier, Romy Schneider est d’une beauté naturelle et renversante. Les cinéphiles ne peuvent être que conquis par sa composition, par la progression sentimentale qui l’habite, par les pensées qui la tourmentent et le drame final qui la terrassera.
Sautet n’a pas son pareil pour restituer les scènes de groupe et les plaisanteries entre potes. Dans ce film, l’exposition de la bande de ferrailleurs est en cela parfaite. Les scènes sont authentiques, naturelles et confèrent aux ennemis une humanité touchante ; ce qui rompt avec le manichéisme primaire traditionnellement présent dans les polars et les films policiers.
C’est tout le génie de Claude Sautet ! Il enrobe ses histoires et ses personnages de toute sa délicatesse, de toute sa tendresse, alors que le sujet ne semble pas s’y prêter. Même s’il s’agit d’un polar psychologique, Claude Sautet confirme une fois de plus son goût pour le cinéma des sentiments.
Max et les Ferrailleurs est un film culte qui tient toutes ses promesses, néanmoins la chute est la chose qui pourrait déranger le plus le spectateur. En effet, elle est invraisemblable. On peut comprendre que les frustrations de Max n’ont que trop duré et qu’il soit obnubilé par le souci de rétablir la justice sans causer de victimes collatérales, mais la fin est un peu trop excessive, voire incompréhensible.
*Max et les Ferrailleurs est une adaptation du roman homonyme de l’écrivain-scénariste Claude Néron.
Pierrot LeFou