Tunisie : le Président Béji corrige une lacune de la Constitution

Mansou Mhenni

Mansou Mhenni

N’en déplaise à certains, la Tunisie est et restera profondément méditerranéenne aussi bien de par le déterminisme géographique que par la légitimité historique, culturelle et civilisationnelle. Malheureusement, comme je l’avais écrit à l’occasion, des voix qui étaient déjà en perte de poids, sauf pour des coalitions suspectes à l’intérieur même de l’assemblée constituante, s’étaient farouchement dressées contre l’insertion de la composante méditerranéenne de notre Tunisie dans le préambule de la nouvelle constitution qui s’écrivait.

On s’en souvient, dès que le député Fadhel Moussa avait soulevé la question, deux voix avaient particulièrement inondé la salle de leur salive coléreuse pour exprimer leur opposition à une donnée indéniable de notre identité et, le contexte aidant, sur ce point comme sur d’autres, les forces centristes avaient stratégiquement évité la confrontation sur une question qui pouvait attendre, surtout que ces forces avaient réussi à corriger d’autres dérapages plus monstrueux et autrement plus dangereux dans le texte en élaboration, donc dans les choix civilisationnels de la Tunisie.

De toute façon, l’Histoire nous enseigne que les constitutions ne sont pas éternelles et que, même sans les modifier, certaines de leurs réglementations peuvent devenir pratiquement obsolètes grâce à une conscience éclairée de la citoyenneté. C’est ainsi que, dans certains pays où la polygamie est constitutionnellement garantie, les citoyens ne s’y conforment pas d’eux-mêmes. Il en est de même pour la condamnation à mort.

Cela dit, force est de rendre un vibrant hommage au Président de la République, Béji Caïd Essebsi, qui, conscient de la lacune constitutionnelle en matière de méditerranéité, au lieu d’aller insulter son peuple à l’étranger, s’active on ne peut plus efficacement à restaurer cette appartenance naturelle, historique et géostratégique de notre pays à la méditerranéité, aussi bien pour sauvegarder son entité plurielle et les valeurs d’ouverture, de tolérance et de paix qu’elle véhicule, que pour assurer des voies propices à nos stratégies de développement.

Les opposants et les dénigreurs de BCE peuvent lui trouver tous les défauts qui leur conviendraient, selon leurs intérêts de l’instant, mais ils ne pourraient lui dénier, sauf par obstination aveugle, cette entreprise éthique et géostratégique de la reconstruction de la méditerranéité. En plus, il le fait sur un fond et sur des bases culturelles afin de garantir sa pérennité. Delà toute la série d’actions et de manifestations culturelles savamment conduites par le ministère des Affaires culturelles, en parfaite symbiose avec le gouvernement.

Lors de la polémique sur la question de méditerranéité dans l’assemblée constituante, j’avais prévenu, en tant que président, alors, de l’Association pour la Culture et les Arts Méditerranéens (ACAM), « qu’il y a peut-être péril en la demeure et que le fait d’occulter la méditerranéité de la Tunisie peut avoir, à l’avenir, voire même dans un avenir proche, des retombées fâcheuses, non seulement sur le conjoncturel et le conjecturel stratégique et socio-politique dans lequel les adversaires (les ennemis presque) du concept veulent l’enclore, mais surtout sur le culturel et plus largement, sur le civilisationnel, de quoi chercher à dénaturer carrément la Tunisie, son peuple et ses valeurs intrinsèques qui font d’elle un pays méditerranéen par excellence ». J’avais même appelé à « engager un mouvement militant pour la méditerranéité de la Tunisie. Le Mouvement pour la Méditerranéité de la Tunisie (MMT) ».

Je suis heureux de constater que Monsieur le Président de la République engage, à sa manière et de façon plus intelligente et plus efficace, ce mouvement. Sa référence à la citation de Caton qui avait détruit Carthage (« Dalenda Carthago »), pour lui substituer une formule antinomique (« Aedificanda Cartago ») est porteuse de toute une vision future de la région, pacifique et solidaire, plutôt qu’individualiste et guerrière. Qu’il en soit remercié et qu’il y soit soutenu de la façon la plus mobilisatrice et la plus responsable !

Par Mansour M’henni le 12 février 2017

Illustration : BCE à Rome avec le Président italien Sergio Mattarella devant la statut de Hannibal à Rome