Une banane scotchée à un mur a été vendue pour 6,2 millions de dollars à New York

L’œuvre d’art de Maurizio Cattelan, qui avait relancé les débats sur la spéculation dans le marché de l’art en 2019, a fait sensation aux enchères de Sotheby’s.

Ce n’est qu’une banane scotchée à un mur, mais l’œuvre de l’artiste conceptuel italien Maurizio Cattelan a de nouveau fait sensation sur le marché de l’art mercredi soir à New York, achetée 6,2 millions de dollars par un entrepreneur sino-américain.

Œuvre minimale, mais prix maximal. Mercredi soir, la salle des ventes du groupe américain Sotheby’s à New York s’est déchaînée pour une banane scotchée à un mur à l’aide d’un gros ruban adhésif argenté. Réalisée par l’artiste conceptuel italien Maurizio Cattelan, l’œuvre d’art baptisée « Comedian » était estimée à un prix compris entre 1 et 1,5 million de dollars.

Après quelques minutes d’enchères féroces entre sept acquéreurs, elle a été vendue à 5,2 millions de dollars, soit 6,2 millions de dollars avec les frais. C’est plus qu’une œuvre de Roy Lichtenstein, figure du pop art américain, « Oval Office (Study) », partie pour 4,2 millions de dollars.

Un entrepreneur crypto habitué aux coups d’éclat

L’acheteur a rapidement voulu se faire connaître: il s’agit de Justin Sun, fondateur de la plateforme de cryptomonnaies Tron. Ce Chinois de 44 ans est connu pour sa communication outrancière: il a payé 4,5 millions de dollars pour dîner avec le légendaire investisseur Warren Buffett, et a commandité au compositeur Hans Zimmer un hymne en l’honneur de sa cryptomonnaie. Parfait pour se distinguer dans la rude concurrence des cryptoactifs.

Et l’entrepreneur n’en a pas fini avec les coups d’éclat: il s’est engagé à « manger la banane pour en faire une expérience artistique unique et honorer sa place à la fois dans l’histoire de l’art et de la culture populaire ». « Ce n’est pas juste de l’art. Cela représente un phénomène culturel qui crée des ponts entre les mondes de l’art, les mèmes et la communauté des cryptomonnaies », a assuré Justin Sun.

Le marché de l’art en stabilisation

En scotchant une banane au mur, Maurizio Cattelan voulait justement interroger la notion d’art et sa valeur, quitte à provoquer l’esclandre. Lors de sa première exposition en 2019 à Miami, un autre artiste avait déjà mangé la fameuse banane pour dénoncer son prix. À l’époque, elle ne valait que 120.000 dollars.

Mais cette œuvre provocatrice pourrait bien être l’arbre qui cache la forêt. Car après avoir atteint un pic à la sortie de la pandémie covid, le marché de l’art n’a pas vraiment la banane. Au premier semestre 2024, Sotheby’s a vu ses ventes chuter de 25%, tandis que celles de la maison de vente concurrente Christie’s reculaient de 22%. En 2023 déjà, le chiffre d’affaires des principales maisons de vente avait reculé de 18%.

Refroidis par l’inflation et les taux d’intérêt, les amateurs et spéculateurs d’art se montrent donc plus prudents, notamment face aux grands artistes dont les œuvres avaient multiplié les records ces dernières années. Ce qui a paradoxalement favorisé les œuvres plus modestes, poussant le volume total de ventes de 4% en 2023, et les nouveaux marchés, notamment la Chine, qui s’impose comme le deuxième marché mondial devant le Royaume-Uni, avec 19% des transactions.