En octobre 2024, Washington lance un ultimatum au gouvernement israélien. Trente jours pour laisser entrer l’aide humanitaire dans le nord de Gaza. Sous peine de suspendre les livraisons d’armes américaines à l’État hébreu. L’ultimatum vient d’expirer. À la veille de cette date butoir, l’armée israélienne a annoncé l’ouverture d’un nouveau point de passage pour l’aide humanitaire à Gaza.
Mi-octobre 2024, Antony Blinken, secrétaire d’État et Lloyd Austin, secrétaire à la Défense américains, adressent une lettre à Israël avec une série d’exigences, parmi lesquelles : « 350 camions d’aide et de marchandises doivent entrer chaque jour à Gaza ». L’ONU tient les comptes, et dans les faits, c’est dix fois moins. « Uniquement 37 camions par jour durant le mois d’octobre », précise Louise Wateridge de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens.
Avec l’ouverture d’un nouveau point de passage annoncée par Israël, cela porte à trois le nombre de points de transit des marchandises et de l’aide vers le territoire palestinien en guerre. Une mesure satisfaisante, estime désormais Washington, qui souligne « qu’Israël n’enfreint pas le droit américain concernant l’aide humanitaire ».
Le « plan des généraux » mis en œuvre dans le nord de Gaza
Baptisé également plan Eiland, il est l’œuvre du général retraité Giora Eiland. Imaginé il y a quelques semaines, il consiste à vider le nord de la bande de Gaza, l’assiéger, et le couper de toute aide humanitaire. Et si certains civils n’ont pas évacué, ils sont alors considérés comme combattants. Le gouvernement et l’armée israélienne nient officiellement appliquer ce plan. « Mais c’est de fait ce que l’on constate sur le terrain », confie une source humanitaire.
En Israël, des voix s’élèvent désormais pour dénoncer ce projet. « Les informations qui nous parviennent de la bande de Gaza montrent qu’Israël a recours systématiquement à des méthodes génocidaires », relève Menachem Klein, professeur émérite à l’université Bar-Ilan de Tel Aviv. « Le génocide, ce n’est pas un plan qui vise à détruire chaque Palestinien à Gaza. Le génocide correspond à une échelle de violence extrême infligée à un territoire et à sa population, et à une destruction systématique de toutes ses institutions, dans le but de détruire l’identité collective d’un groupe. Or c’est ce qu’Israël fait, en détruisant tous les hôpitaux, les universités, les tribunaux, les administrations. Israël détruit l’identité collective des Gazaouis. C’est clairement un génocide », tranche le spécialiste des relations israélo-palestiniennes. En treize mois de guerre, près de 44 000 personnes ont été tuées à Gaza, « dont 70 % de femmes et d’enfants » selon l’ONU.
Nouvelle offensive en cours dans le nord de Gaza
Depuis le 6 octobre 2024, l’armée israélienne mène une offensive dans le nord de la bande de Gaza. Officiellement, cette nouvelle opération a un objectif : « empêcher les activistes du Hamas de se reconstituer ». Mais en réalité, l’armée est en train de vider la zone de ses habitants palestiniens. « Dans le nord de Gaza, il y a toujours des gens qui refusent de partir ou qui ne peuvent pas partir parce qu’ils sont atteints d’un handicap, ou qu’ils sont trop vieux ou trop malades », note Menachem Klein.
« Mais Israël va établir dans le nord de Gaza une autorité militaire. Israël ne souhaite pas permettre aux Palestiniens du nord de Gaza, temporairement déplacés dans le sud, de rentrer chez eux dans le nord. Car en Israël, les colons se préparent à reconstruire des colonies dans le nord de Gaza », dénonce le spécialiste. Menachem Klein souligne que cette guerre à Gaza est le fruit « d’un nouveau judaïsme désormais dominant en Israël », caractérisé par « l’utilisation de la force pure pour imposer la suprématie juive et contrôler la terre et le peuple palestiniens ».
Un autre universitaire israélien, Tomer Persico, de l’Institut Hartmann à Jérusalem, explique : « Si des colonies juives s’implantent effectivement à moyen terme à Gaza, alors on pourra considérer qu’Israël procède à un nettoyage ethnique ». Mais cet expert, également chercheur à l’Université Reichmann de Herzlya, espère que « cela n’arrivera pas ».