Ces fâcheuses statistiques sur le dilemme migratoire en Tunisie

Depuis le début de l’année, 5900 Tunisiens ont réussi à rejoindre l’Europe, illégalement, par l’île de Lumpedoza. Plusieurs milliers arrêtés ou morts en pleine traversée, pendant la même année. De cela, en Tunisie, on n’en parle pas, même si le temps est pour le bilan et les élections…

En revanche, les autorités tunisiennes parlent de leurs exploits policiers. Elles ont empêché depuis le début de l’année l’entrée illégale d’environ 30 000 migrants, principalement d’Afrique subsaharienne, par leurs frontières terrestres tandis que 2 500 acceptaient le « retour volontaire » dans leurs pays, a déclaré jeudi le porte-parole de la Garde nationale, Houcem Eddine Jebabli.

Le fonctionnaire a comparé ce chiffre aux 11 500 personnes interceptées en 2023 et à près de 29 800 en 2022, et a insisté pour convaincre que la Tunisie « ne garde pas les frontières européennes mais exerce sa souveraineté nationale ».

Le responsable a fait ces déclarations en réponse aux critiques reçues concernant l’accord conclu un an plus tôt avec l’Union européenne pour financer une partie du budget de l’État en échange de la réduction de la migration.

Au cours des huit premiers mois de l’année, a-t-il révélé, les forces de sécurité ont empêché 70 000 migrants d’essayer d’atteindre la côte italienne, située à 150 kilomètres de là, à bord de bateaux précaires.

Depuis juin dernier, la Tunisie dispose d’une zone de recherche et de sauvetage (RAS) en mer Méditerranée, un fait qui, selon le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), ne profite qu’aux intérêts italiens et européens. L’Italie fournit les bateaux, les munitions et les budgets, la Tunisie, les hommes pour faire la job…arrêter, retenir, expulser, entre autres.

Jebabli a expliqué à la presse locale que la Tunisie est passée d’un pays de transit à un pays hôte et reçoit un nombre important de migrants depuis l’annulation au cours de la dernière décennie de l’obligation de visa pour une douzaine d’États africains afin de faciliter la mobilité, y compris la République centrafricaine, le Congo, le Burkina Faso et la Guinée-Bissau.

Selon le porte-parole, beaucoup de ces citoyens arrivent sur le territoire pour des raisons médicales, d’études ou de tourisme et dépassent la durée de séjour autorisée pour partir plus tard dans de petits bateaux à l’aide de réseaux de trafic, gérés à la fois par des ressortissants et des étrangers.

Les organisations humanitaires dénoncent le « racisme institutionnel » après que le président Kais Said – qui s’est arrogé tous les pouvoirs en 2021 pour « préserver la paix sociale » – a accusé les « hordes » de ressortissants subsahariennes de faire partie d’un complot visant à changer l’identité « aro-musulmane » du pays.

Depuis lors, des milliers de personnes ont demandé un retour volontaire dans leur pays et des milliers d’autres ont opté pour des départs par voie maritime car la Tunisie n’est pas un endroit « sûr » pour les migrants, avertissent les ONG, en plus des campagnes d’arrestations arbitraires, de harcèlement et d’agressions contre les Noirs, y compris les réfugiés, les demandeurs d’asile et les résidents légaux.

Des centaines d’entre eux, y compris des femmes enceintes et des mineurs, ont été envoyés aux frontières du désert avec l’Algérie et la Libye, sans accès à l’eau, à la nourriture et à l’assistance.

Kais Saïed insiste sur le fait qu’il n’agira pas en tant que « gardien » de la Méditerranée après avoir signé en juillet dernier un protocole d’accord avec l’Union européenne pour renforcer le contrôle de ses frontières en échange d’un soutien financier important et dont la transparence a été remise en question par le Parlement européen. EFE

Parmi les disparus, qui seraient de Syrie et du Soudan, se trouvent au moins trois enfants, selon les naufragés, qui ont été emmenés au centre d’accueil de Lampedusa.

L’île est plus proche de l’Afrique du Nord que de la péninsule italienne et est le principal port d’arrivée pour les migrants forcés et les réfugiés dans le pays.

Dans la majorité des cas, ces personnes déplacées à l’étranger n’utilisent que l’Italie pour entrer dans l’Union européenne, puis se déplacent vers les pays du nord du bloc.

Selon le ministère italien de l’Intérieur, le pays a reçu environ 43 000 migrants forcés via la Méditerranée en 2024, soit une baisse de plus de 60 % par rapport à la même période l’année dernière.

Les statistiques sur les origines des émigrants arrivés en Italie indiquent que les Tunisiens continuent à fuir leur pays, faute de travail et d’espoir.

Les principales nations d’origine sont le Bangladesh (8 500), la Syrie (7 000), la Tunisie (5 900), l’Égypte (2 600) et la Guinée (2 400), et les bateaux partent des côtes libyennes ou tunisiennes.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 30 200 personnes sont mortes ou ont disparu en traversant la Méditerranée depuis 2014, 23 800 d’entre elles dans le seul tronçon central de la mer, entre l’Afrique du Nord et le sud de l’Italie. D’ici 2024, le nombre de décès sur cette route totalisera un peu plus d’un millier. (ANSA).