La justice italienne désavoue Giorgia Meloni et ordonne le transfert des 12 migrants expulsés vers l’Albanie en Italie

Les 12 premiers migrants expulsés en Albanie mercredi dernier, dans le cadre d’un accord entre Rome et Tirana, ont été renvoyés trois jours plus tard en Italie. La justice italienne a invalidé la rétention dans des centres albanais de ces 12 personnes. Un revers cinglant pour la Première ministre italienne d’extrême droite qui a présenté cet accord comme un modèle à suivre au sein de l’Union européenne.

C’est un camouflet pour la Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni. Vendredi 18 octobre, des juges italiens de la section des affaires migratoires du tribunal de Rome ont invalidé la rétention des 12 migrants envoyés par Rome sur le sol albanais. Ces hommes, originaires d’Égypte et du Bangladesh, avaient été transférés mercredi dans le centre de Shengjin après avoir été interceptés en Méditerranée par les gardes-côtes italiens, dans le cadre d’un accord signé par Rome et Tirana.

Ce protocole, signé en novembre 2023 – un mois après l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni – prévoit la création de deux centres en Albanie, d’où les migrants récupérés en mer par les Italiens, pourront effectuer une demande d’asile. D’une durée de cinq ans, cet accord concerne uniquement les hommes adultes interceptés par les autorités italiennes dans les eaux internationales – les migrants secourus par des navires humanitaires ne sont pas concernés.

Les personnes vulnérables (femmes, enfants, victimes de tortures, malades…) ne sont pas visées, tout comme les migrants originaires de pays « non sûrs » (comme l’Afghanistan, par exemple). Et c’est sur ce dernier point que la justice italienne s’est appuyée pour rendre sa décision.

Des migrants « effrayés et sous le choc »

En clair, les juges s’appuient sur un récent arrêt de la Cour européenne de justice (CJUE), qui estime que le Bangladesh et l’Égypte ne sont pas des pays « sûrs ». Selon les termes de cet arrêt, les 12 migrants, Égyptiens et Bangladais, ne peuvent donc pas été envoyés en Albanie.

Après la décision des juges, les 12 migrants ont donc pris place à bord d’un navire des gardes-côtes italiens, le « Guardia Costiera CP 422 » et ont été débarqués dans l’après-midi à Bari, dans le sud de l’Italie. Ils sont désormais hébergés dans un centre d’accueil des Pouilles.

Selon l’agence de presse italienne Ansa, les exilés semblaient « effrayés et sous le choc » en arrivant à Bari. Ils ne veulent pas parler de leur expérience, de peur que cela compromette leur séjour en Italie. En effet, après le jugement du tribunal de Rome, une nouvelle phase s’ouvre pour eux.

Ces sept Bangladais et cinq Égyptiens avaient vu leur demande d’asile rejetée quelques heures seulement après leur transfert en Albanie, dans le cadre de la « procédure accélérée ». Mais d’après la presse locale, leur dossier peut être a nouveau déposé sur le sol italien.

« Vous devez tout démonter et demander pardon aux Italiens »

Ce n’est pas le premiers revers pour cet accord controversé. Au départ, le premier groupe envoyé en Albanie mercredi dernier était composé de 16 migrants mais parmi eux se trouvaient quatre personnes vulnérables : deux mineurs et deux exilés ayant besoin de soins médicaux.

Peu après leur arrivée, ces quatre migrants ont donc été renvoyés en Italie, ce qui avait déjà valu les railleries de l’opposition.

Après la décision de la justice italienne invalidant la rétention des 12 personnes restantes, le parti de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia, a dénoncé une décision « absurde » et a fustigé des « magistrats politisés ». « Je ne crois pas qu’il soit de la compétence des juges de décider quels pays sont sûrs et lesquels ne le sont pas, c’est une compétence du gouvernement », a pour sa part estimé la Première ministre. Le ministre de l’Intérieur Matteo Piantedosi a annoncé que le gouvernement ferait appel.

Le gouvernement italien devrait par ailleurs étudier ce lundi en conseil des ministres un nouveau décret pour se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne.

L’opposition de gauche en Italie, vent debout contre l’externalisation de la politique migratoire, a en revanche salué la décision des juges romains. « Nous l’avions dit, non pas parce qu’on a la boule de cristal mais parce que nous lisons les lois », a ainsi réagi Elly Schlein, la patronne du principal parti d’opposition, le Parti démocrate (PD, centre-gauche). « Maintenant je lance un appel au gouvernement et à Mme Meloni : arrêtez-vous et revenez sur vos pas. Vous devez tout démonter et demander pardon aux Italiens », a-t-elle dit.

« Le spectacle médiatique organisé par le gouvernement Meloni se heurte au droit national et international », s’est aussi félicitée sur X l’ONG Sea-Watch qui porte secours aux migrants en Méditerranée.

Alors quel avenir pour cet accord, vanté comme un modèle d’externalisation de l’asile au sein de l’Union européenne ? Pour l’heure, difficile de savoir ce qu’il va advenir. Les prochains migrants interceptés en mer vont-ils être envoyés en Albanie? Si oui, vont-ils y rester ? Beaucoup de questions qui restent pour l’instant en suspens.

Source : Infomigrants.net