Le Parlement sud-coréen a adopté une motion mercredi pour bloquer la loi martiale décrétée par le président Yoon Suk-yeol. Ce dernier a dit avoir pris cette mesure pour protéger le pays contre le Parti démocrate, majoritaire au Parlement, qualifié de « forces communistes nord-coréennes ». Des manifestants se sont rassemblés devant le Parlement à l’appel du chef de l’opposition, qui a dénoncé une mesure « illégale ».
Le Parlement sud-coréen, avec 190 de ses 300 membres présents, a adopté mercredi 4 décembre une motion pour bloquer la loi martiale décrétée par le président Yoon Suk-yeol. Ce dernier avait annoncé cette mesure quelques heures plus tôt, affirmant qu’elle était nécessaire pour protéger le pays des « forces communistes nord-coréennes ».
« La Constitution est très claire : si la majorité vote pour la levée de la loi martiale, le président doit lever cette loi », explique Chloé Borgnon, correspondante de France 24 à Séoul, bien qu’il n’y ait pour l’heure aucune réaction officielle du président. L’armée a dit qu’elle ferait « respecter la loi martiale jusqu’à sa levée par le président ».
Chute du won coréen
Plus tôt, des soldats ayant apparemment reçu pour ordre d’imposer la loi martiale ont tenté de pénétrer dans l’immeuble du Parlement, selon des images télévisées. Des assistants parlementaires tentaient de les repousser à l’aide d’extincteurs.
La décision du président Yoon a provoqué une onde de choc dans le pays, qui n’a pas connu de loi martiale depuis 1980 et dont le régime est considéré comme démocratique. Le won coréen a fortement chuté par rapport au dollar américain dans son sillage.
« Pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments antiétatiques (…), je déclare la loi martiale d’urgence », a déclaré le président dans une allocution télévisée non annoncée et diffusée en direct dans la soirée sur la chaîne de télévision YTN. Il n’a cependant pas cité de menace spécifique de la part de la Corée du Nord, dotée de l’arme nucléaire, se concentrant plutôt sur ses adversaires politiques sur le plan intérieur.
Yoon Suk-yeol a accusé l’opposition du pays de contrôler le Parlement et d’empêcher l’action du gouvernement. Le chef de l’État a évoqué une motion présentée cette semaine par le Parti démocrate, parti d’opposition majoritaire au Parlement, visant à destituer certains des principaux procureurs du pays, ainsi que son rejet d’une proposition de budget du gouvernement.
Loi martiale immédiatement bloquée
Le chef de l’opposition sud-coréenne, Lee Jae-myung, a dénoncé la nouvelle loi martiale comme étant « illégale » et a appelé la population à se rassembler devant le Parlement en signe de protestation. « L’imposition illégale de la loi martiale par le président Yoon Suk-yeol est invalide », a déclaré en direct celui qui a perdu de justesse face au président Yoon lors de l’élection de 2022.
Des centaines de personnes ont entendu son appel, affluant devant le Parlement vers une heure du matin (16 h GMT) et chantant « Arrêtez Yoon Suk-yeol ».
« Ouvrez la porte, s’il vous plaît. Votre travail est de protéger l’Assemblée nationale. Pourquoi restez-vous les bras croisés pendant que des députés sont piétinés ? », a crié un homme à un groupe de policiers gardant les portes du bâtiment placé sous scellés. Des soldats sont brièvement entrés dans l’Assemblée avant d’en ressortir.
Quelque 190 députés sont parvenus à entrer dans l’Assemblée, où ils ont voté à l’unanimité en faveur d’une motion bloquant l’application de la loi martiale et appelant à sa levée.
« Éradiquer les forces pro-Corée du Nord »
Lors de l’annonce de la loi martiale, le président a accusé les élus de l’opposition de couper « tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation qui sont la lutte contre les crimes liés à la drogue et le maintien de la sécurité publique (…), transformant le pays en un paradis de la drogue et en un lieu de chaos pour la sécurité publique ».
« Notre Assemblée nationale est devenue un refuge pour les criminels, un repaire de la dictature législative qui cherche à paralyser les systèmes judiciaire et administratif, et à renverser notre ordre démocratique libéral », a-t-il déclaré.
Les États-Unis se sont dits « très préoccupés » par la situation tandis que le Royaume-Uni a indiqué suivre les développements de la crise. « Évidemment, c’est une situation qui évolue très rapidement (…). Nous surveillons de près les développements en Corée du Sud », a déclaré un porte-parole du Premier ministre Keir Starmer, tandis que le ministère des Affaires étrangères a appelé les ressortissants britanniques à « suivre les conseils des autorités locales et à éviter les manifestations politiques ».
Même son de cloche du côté du Kremlin. « La situation est alarmante. Nous la suivons de près », a déclaré le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov à l’agence de presse Interfax.
Avec Reuters et AFP