Qu’il soit en « zazoau », en express ou en « filtre », le café des Tunisiens et Tunisiennes n’est pas un bien de première nécessité, et encore moins un bien public. L’Etat ne doit pas s’occuper du café, mais plutôt de la santé, de l’éducation, entre autres. Les biens privés (biens divisibles et exclusifs) relèvent du marché, les biens publics (non divisibles, non exclusifs) relèvent de l’Etat et ses politiques publiques.
Cela dit, peu importe vos préférences pour le café, le prix de votre café risque d’être de plus en plus corsé. Et au besoin, on peut trouver des biens substuablez au café : du thé, de la tisane, et bien d’autres boissons chaudes ou froides, à la portée de notre pouvoir d’achat.
Le marché a ses règles
La principale raison est que le cours de l’arabica, la variété la plus consommée, s’est envolé cette année avec une augmentation de 40 % depuis janvier. Le robusta subit le même sort et atteint son plus haut niveau depuis 1979.
La faute aux changements climatiques qui, comme pour le cacao, entraînent une baisse des rendements et une diminution des zones propices à la culture.
Le Vietnam est désormais le deuxième producteur mondial de café, mais frappé par une longue sécheresse qui a affecté les récoltes, ses exportations de robusta ont chuté de 50 % cet été, du jamais vu.
Le climat n’a pas été plus clément au Brésil, premier producteur d’arabica, ni en Colombie, qui a subi l’impact du phénomène El Niño. A l’avenir, les producteurs sud-américains devront opérer leur transition vers un modèle durable d’agriculture régénératrice , plus résistant aux aléas climatiques.
L’industrie du café est privée
L’industrie du café pèse plusieurs milliards et c’est toute la filière qui est déstabilisée par les incertitudes climatiques. Face à la flambée des cours, les poids lourds mondiaux – Nestlé, Starbucks, JDE Peet’s – qui représentent 50 % du marché mondial, vont devoir s’adapter. Et l’on pourrait bientôt voir se développer de nouveaux pays producteurs dans des zones plus tempérées comme aux Etats-Unis ou en Italie.
Dans cette nouvelle géographie du café , les torréfacteurs lorgnent aussi sur l’Afrique, qui pourrait augmenter ses capacités de production.
A l’initiative de l’Italie, la création d’un Fonds mondial de soutien à la filière café vient d’être actée par les pays du G7. Il sera testé dans cinq pays africains, dont l’Ethiopie, le berceau de l’arabica.
Les cafés en Tunisie
Des dizaines de milliers de bar-cafés rythment la vie des villes et villages en Tunisie. À toutes les heures, des dizaines d’hommes, jeunes et moins jeunes dans ces cafés, téléphone dans une main et une cigarette dans l’autre. Le temps semble figé, et comme s’il n’a aucune valeur, on le tue en sirotant un café, souvent amer par une eau salée et un café de mauvaise qualité.
En Tunisie, ces bars à café sont un lieu privé, où on passe son temps, entre hommes, les femmes sont quasiment exclues de facto.
C’est un quasi parking pour contenir ces dizaines de milliers de chômeurs, de oisifs ou même des « opposants » qui n’ont rien à perdre.
En cherchant à administrer la filière du café en Tunisie, le gouvernement veut certes importer moins de cafés (le pays n’en produit pas), mais en maintenant le statu quo sur ces lieux capables de contenir de façon « inerte » des dizaines de milliers de jeunes, assis sans rien faire d’autres que surfer sur les réseaux sociaux, ou regarder un match de football.
L’Etat tunisien doit se désengager de l’administration des prix du café et doit s’occuper davantage des secteurs qui lui reviennent : santé, éducation, services sociaux, environnement, etc.
Source : Economics for Tunisia, E4T,