Le lanceur chinoix « Longue Marche » a envoyé vendredi 20 décembre dans l’espace huit satellites. Parmi eux, le premier satellite éthiopien qui doit permettre d’améliorer la connaissance des ressources agricoles, forestières et minières du pays et contribuer à une meilleure réponse aux catastrophes climatiques. Une étape historique pour l’Ethiopie qui vient également couronner une année 2019 record pour l’industrie spatiale africaine.
Un grand nombre d’officiels, éthiopiens et chinois, ainsi que de scientifiques s’étaient rassemblés ce vendredi 20 décembre à l’Observatoire et centre de recherche d’Entoto situé près d’Addis Abeba.
Ils sont venus suivre la retransmission en direct du lancement du premier satellite ETRSS-1 depuis la base spatiale chinoise de Taiyuan.
Joseph Ibeh de Space in Africa, un organisme nigérian spécialisé dans le recueil de données économiques sur l’industrie spatiale africaine, précise que le projet aurait coûté 8 millions de dollars : « La Chine a fourni 6 millions de dollars dans le financement du satellite et formé des ingénieurs éthiopiens tandis que le gouvernement éthiopien a fourni 2 millions de dollars pour l’installation des stations au sol qui sont situées à l’observatoire spatial d’Entoto près d’Addis Abeba. »
Le ministre éthiopien de la Technologie et de l’Innovation, Getahun Mekuria souhaite le développement de leur industrie spatiale : « Après le lancement de l’ETRSS-1, nous essayerons d’être autonomes, en utilisant notre propre système, peut-être pour le troisième ou le quatrième satellite ».
Selon Space in Africa, le gouvernement a signé un accord avec la société française Ariane pour créer une unité de conception de satellites à Addis Abeba à partir de Janvier 2020.
L’Afrique à la conquête de l’espace
L’ETRSS-1 est le le 41ème satellite africain dans l’espace. Il s’agit du huitième lancement d’un satellite africain en 2019.
Le Rwanda a lancé son RwaSat-1 en septembre 2019 et le Kenya son 1KUNS-PF en 2018. L’Ethiopie est maintenant la 11ème nation africaine à avoir lancé un satellite dans l’espace, rejoignant les rangs de l’Algérie, de l’Angola, de l’Egypte, du Ghana, du Kenya, du Maroc, du Nigeria, du Rwanda, d’Afrique du Sud et du Soudan.
Le programme spatial éthiopien a été initié en 2004 par la Société éthiopienne de Science spatiale (ESSS). Le gouvernement éthiopien a formalisé cet engagement en 2016 avec la création de l’Institut éthiopien de science spatiale et de technologie.
Selon Paulos Alemayehu, un membre de longue date de l’ESSS, l’actuel Premier ministre Abiy Ahmed, qui était ministre des Sciences et des Technologies à cette époque, avait alors encouragé le partenariat avec la Chine : « Nous apprécions ce lancement comme quelque chose qui porte notre fierté nationale ».
« Vous savez, nous sommes un pays très pauvre. Beaucoup de jeunes n’ont pas le rêve d’aller dans l’espace. Mais aujourd’hui nous donnons de l’espoir à cette génération, nous l’aidons à voir les choses en grand et à avoir confiance en eux. »
L’Éthiopie, dernier pays africain à avoir lancé un appareil dans l’espace, a axé ses ressources nationales sur l’aéronautique. Le pays dispose déjà d’une compagnie aérienne parmi les plus grandes d’Afrique, mais aussi de centres de formation de pilotes et de centres de réparation de moteurs. Le spatial est un pas de plus dans cette stratégie de développement d’un leadership en matière d’aéronautique.
Mais au-delà de la mise en orbite de satellite, ce qui importe le plus aujourd’hui en Afrique, selon Sékou Ouédraogo, ce sont « les applications », dit-il. « Il faut maîtriser l’utilisation des résultats, et former des ingénieurs qui soient capables d’utiliser les images satellitaires à des fins de développement ».
Accéder à l’espace, pour accéder au développement
Si le lancement d’un satellite par les pays africains est important d’un point de vue géostratégique, il l’est surtout parce qu’il amorce toute une politique de formation de spécialistes, et représente une première étape vers le lancement d’autres satellites ou d’un appareil de plus grande envergure (comme l’a fait le Maroc).
Pour autant, parler de « conquête spatiale » relèverait de l’abus de langage selon Sékou Ouédraogo. Pour ce dernier, l’essor du spatial africain n’a rien d’une conquête, il s’agit avant tout d’un « désir d’accéder à l’espace et aux opportunités que les outils spatiaux donnent pour son développement ».
Trouver de l’eau, améliorer l’agriculture, prévenir les attaques de criquets dans les plantations, lutter contre la désertification, observer la variation des fleuves, le niveau des lacs, aménager les territoires, stopper la déforestation (notamment dans la forêt du Congo)… « Nous avons des ingénieurs qui font les satellites, nous avons des ingénieurs qui font des lanceurs, nous pouvons envoyer ces satellites qui, ensuite, enverront des données », insiste le président de l’AASO. « Mais ces données doivent ensuite être traitées et utilisées pour nos propres besoins. C’est pour moi la priorité. »
Une priorité pour laquelle les pays africains sont épaulés, principalement par les grosses puissances spatiales qui participent à l’essor de l’industrie africaine en fournissant une aide financière et humaine.
Ainsi, le satellite angolais, lancé en 2017, avait été conçu par des ingénieurs russes ; le Ghana avait bénéficié d’une aide japonaise, et le lancement des satellites marocains est fait en collaboration avec la France.
Même schéma pour l’Éthiopie qui vient d’envoyer son ETRSS-1 à plusieurs centaines de kilomètres au-dessus de la terre : ce dernier a été développé par l’Académie chinoise de technologie spatiale qui a formé une vingtaine de scientifiques éthiopiens.
Les données fournies par cet équipement doivent permettre d’améliorer la connaissance des ressources agricoles, forestières et minières du pays, mais aussi de contribuer à une meilleure réponse aux catastrophes climatiques.
Aujourd’hui, 41 satellites africains sont en orbite. Un processus qui s’inscrit dans le cadre d’un véritable plan de développement, selon Sékou Ouédraogo. « Lorsque les décideurs prennent conscience de l’intérêt de ces outils, c’est la moitié du travail de fait. »
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Avec agences