Tunisie : Y-a-t-il un pilote dans l’avion ?

Presque tous les indicateurs socio-économiques sont au rouge :

– Croissance en berne depuis un certain temps : une croissance incapable de se ressaisir car ses principaux moteurs qui sont l’investissement et la productivité, le premier est à l’arrêt à cause de l’instabilité politique et le manque de visibilité et le second est à la baisse surtout avec les effectifs pléthoriques et improductifs de l’administration et du secteur public. Le projet d’assainissement de l’administration est à l’arrêt. Le réseau de transport de Tunis qui disposait de plus 1200 véhicules n’en a plus que 300.

– Le taux d’endettement atteint le record de 79,3% du PIB et le service de la dette qui atteint le niveau historique de 5,8% du PIB, accapare plus de la moitié des ressources d’impôt de l’Etat, allant jusqu’à limiter la capacité de ce dernier à financer une bonne partie des services publics, particulièrement le transport et la santé. La rupture avec Le FMI nous a-t-elle permis en toute indépendance de mener les réformes qui s’imposaient pour corriger nos finances publiques ou nous a-t-elle permis de nous y échapper et nous a-t-elle conduit à nous endetter auprès d’autres sources plus chères ?

– Le manque de confiance dans l’avenir. Après l’émigration des sans-emplois, c’est celles des personnes qualifiées. Des ménages entiers quittent leurs emplois, leurs familles et leurs demeures pour aller s’installer outre-mer à la recherche de meilleure qualité de vie pour eux et leurs enfants.

– De moins en moins d’investissements publics et privés. Seul le tiers des intentions d’investissements se concrétisent contre plus de la moitié auparavant. La plupart de ces intentions concernent le marché local et rares sont ceux destinés aux régions défavorisées.

– Si ce n’était pas le gel des prix des produits subventionnés, l’inflation serait maintenu au-dessus des 7% actuels. Mais en contrepartie, la charge de la compensation ne cesse de monter et de creuser le niveau du déficit budgétaire qui frôle les 8% et ce en dépit de l’amincissement de la composante équipement dans le budget.

– Un taux de chômage élevé surtout chez les jeunes qui sont en quête permanente de bonnes perspectives pour leur pays et d’espoir pour vivre aisément dans leur propre pays.
– Une pauvreté qui ne cesse d’augmenter d’année en année et particulièrement dans les régions les plus éloignées de la côte et dépendantes de l’état de la pluviométrie.

– La pénurie de certains médicaments et produits essentiels est devenue permanente. C’est beau de parler d’excédent commercial mais à quel prix et dans quelles conditions (baisse des investissements, d’où réduction des importations de matières premières et des biens d’équipement).

– Sur les 13 universités publiques que compte la Tunisie, une seule fut classée 901ème sur 1000 par le fameux Shanghai ranking, dans un monde où la recherche est le principal moteur du développement économique et à laquelle les pays développés affectent plus de 3% de leurs PIB.

– De nombreux projets d’infrastructure touristique, sportive ou immobilière n’ont pas avancé depuis plusieurs années et sont devenus des ruines, sources de tous les dangers.

– Certains champignons ou insectes ont attaqué nos arbres de toutes sortes et n’ont été ni prévenues ni traitées, ce qui a engendré la perte de plusieurs hectares de nos cactus et nous a privé d’un fruit (le sultan des fruits), très nutritif et généralement bon marché. J’espère que le champignon ayant attaqué nos oliviers à Mahdia sera traité et avec la plus grande célérité avant qu’il ne se répande à d’autres cultures et d’autres régions. L’enjeu est l’avenir de nos principales exportations agricoles et une de nos principales sources de devises étrangères.

Tous ces éléments m’inquiètent personnellement et ce d’autant plus que certains responsables débordent encore d’optimisme en parlant de résilience de l’économie tunisienne qui a réussi à régler l’ensemble de ses dettes intérieures et extérieures alors que ce règlement s’est limité aux dettes qui sont venues à échéance. Les problèmes s’accumulent et personne n’en dit mot ou pas assez. Le malaise est grandissant. Que Dieu bénisse notre cher pays !

Mohamed Ali Daouas