Je n’ai pas de mots encore, mais ça va venir. J’ai en revanche des pensées et des pensées vives pour mes compagnons d’infortunes que je ne connaissais pas pour la plupart. Ceux qui ont vu leurs vies et celles de leurs proches brisées du seul fait du prince puisque ceux qui leurs sont reprochés n’existent pas.
Et mes autres, compagnons de bancs, rien ne nous mettra au ban.
Nous voilà tous unis indéfectiblement dans l’ignominie de l’injustice, qui ne prend même pas la peine de faire semblant, qui ne s’embarrasse même plus des apparences. Elle ne se travestit plus, elle assume n’être que la chambre d’enregistrement d’un plan qui n’a tellement pas de cohérence qu’il ne peut être que le fruit d’humeurs incohérentes. Et c’est ainsi que le niveau zéro de la justice, le fondement cortiqué de tout rapport humain, nous parlons du principe du contradictoire, n’a même pas été envisagé.
Je n’ai pas de mots encore, mais des sentiments beaucoup. Et quelques notions. Dont celle de la souveraineté d’un état. Et l’antiquité nous apprend qu’elle est constitutive d’une nation, de son droit et des ses frontières. Et quand on perd son droit, celui qui appartient à chacun, sans distinction aucune, alors on perd sa souveraineté. Et celui qui le confisque c’est donc la souveraineté qu’il assassine.
Je n’ai pas de mots encore. Mais un amour. Infini. Pour ma Tunsisie. Qui m’a vu naître, qui me voit grandir et qui me verra mourir. Qui m’a drapé dans son Histoire, qui m’a couvé de sa culture, qui m’a accompagné par sa force, qui m’a fait de son peuple, qui m’a offert d’y appartenir. Cette Tunisie qui a donné corps au mot fierté, substance à celui de patrie, sens à mes origines.
Je n’ai pas de mots encore. Mais beaucoup d’énergie et notamment celle de me battre. Contre personne, mais pour la Tunisie.
Je n’ai pas de mots encore. Mais ça va venir. Le temps de dompter les maux.
Karim Guellaty