Ah ! Ces vendus Semia Abbou et Kahled Krichi

Quand j’ai vu ces vendus Semia Abbou et Khaled Krichi fendre ce barrage des fonctionnaires et rejoindre le cheikh des terroristes, ça m’a rappelé tout de suite l’histoire de ces deux faux culs, lycéens de ma classe en terminale, qui avaient brisé la grève qu’on faisait contre le prof de philo .

Il était imbu de sa science et de sa personne et nous impressionnait par sa voix rauque et raisonnante, son pullover rouge écarlate, son allure et son entrée théâtrale en classe cartable balancé sur son dos qu’il jetait littéralement sur son pupitre, en extirpait ses bâtons de craie et son chiffon et demandait à l’un de nous d’effacer le tableau gribouillé la veille par ses soins avec son écriture sinueuse et mal soignée qui semblait avoir bu quelques bières avant de venir s’étaler, grinçante et savante, sur la surface raclée et usée .

Nous l’admirions tous notre camarade le jour où il a osé défier ce mastodonte à la voix rauque et résonnante de ténor, refusant dans un français châtié de se soumettre à son ordre « Non Monsieur, je ne suis pas là pour effacer le tableau. Ce n’est pas mon rôle. Pourquoi vous ne le faites pas vous-même ? »

Nous retînmes notre souffle lorsque le prof de philo vociféra sur la gueule de l’élève « sortez de ma classe je ne veux plus vous voir à mon cours ». Sans broncher et le plus froidement du monde, l’élève continua à toiser la bête et lui rétorqua que le lycée est un lieu public qui ne lui appartient pas, osant même ouvrir la porte au prof qui sortait théâtralement de classe jurant ses grands dieux auxquels il ne croyait pas une once, que c’est lui ou le valeureux élève.

Les prochaines heures défilèrent, les jours même passèrent sans que le prof n’en démorde. Non, le valeureux gars était à chaque fois pointé du doigt et prié de quitter la salle.

Ce n’est qu’au bout du 3ème jour qu’enfin un brin de courage, de « rjoulya » remonta du fin fonds de nos entrailles et décidâmes d’organiser la fronde. On se planta au milieu de la cour face au prof qui était debout devant sa classe, majestueux à nous fixer des yeux dans un corps à corps féroce à distance qui nous semblait durer une éternité. On se chuchotait en s’encourageant mutuellement. On se disait qu’il ne fallait pas lâcher.

Mais oh quelle ne fût notre déception lorsque la mauviette qui tenait le registre et la fille, se détachèrent du groupe et s’en allèrent regagner la classe. On le vit s’écarter pour laisser les deux vendus rentrer et rebloqua de nouveau l’entrée avec sa stature imposante continuant à défier le reste de la classe qui cédât sans gloire, se confondant en excuses avec le camarade et lui promettant de remettre ça pour le lendemain. La fronde n’avait duré que 10 minutes sans plus.

Notre héros regagnait la sortie de la grande porte du lycée en tapotant pensivement le caillou du pied, et nous avancions vers la petite porte de la classe pour reprendre le cours lorsque le prof se dirigea vers l’élève qu’il avait exclu trois jours entiers, lui posa une main tendre sur l’épaule et l’invita à regagner la classe avec nous tous. Les idées se télescopèrent dans nos têtes. On savait pertinemment que ce prof nous narguait. On savait qu’il devinait tout notre désarroi à ne pas pouvoir qualifier notre acte de victoire ou de lâcheté contre sa tyrannie, que même si notre camarade était revenu, ce n’était pas tout à fait nous qui l’y avons obligé. C’était une demi-victoire en somme, une demi-défaite peut être mais surement une histoire qui sentait le goût d’inachevé.

C’était sans compter sur cette intelligence particulière de ce pédagogue hors pair qui n’aimait pas le brouillard et savait le dissiper dans la tête de ses élèves en y injectant ses lumières.

La classe au complet, le prof, à notre grand étonnement, interpella l’élève au registre et la fille : « La demoiselle et vous Monsieur la bas, vous êtes exclus pour trois jours ». Le cours pratique était fini. La leçon était bel et bien assimilée par nous tous et il le savait.

C’est alors qu’il enchaina son cours sur la lutte des classes et le capital de Karl Marx comme si de rien n’était, sans les deux vendus.

La classe de terminale Lettres modernes 1 du lycée de garçons de Sousse avait en cette année de l’an 1971 où la philo était à coefficient 6, remporté la palme d’or de la classe ayant eu le plus fort taux de réussite au bac.

Faut dire que Monsieur Pzsola n’avait rien d’un Boujalgha, mais ces deux salauds d’élèves avaient tout d’une Abbou et d’un Krichi.

L’agitateur