Lettre de la militante Bochra Bel Haj Hmida publiée à la revue spéciale L’ATFD
Bochra Bel Haj Hmida a consacré sa vie à défendre l’égalité et la justice. Pendant des décennies, elle s’est battue sans relâche pour une Tunisie plus libre et plus juste, au service de toutes et tous.
Aujourd’hui, ce régime tente de la faire taire, comme tant d’autres voix dissidentes, en l’accusant injustement dans une affaire de complot politique fabriquée de toutes pièces
Mais nous connaissons son engagement, nous savons qui elle est..
Nous croyons en son inonnocence et
nous continuerons nous ses copines à nous battre à ses côtés jusqu’à ce qu’elle retrouve sa place, libre, dans son pays
#bochra mérite de vivre libre dans son pays
Saïda Garrachn
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Mes amies, mes camarades, toutes les militantes de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates,
Toutes mes amies et tous mes amis où que vous soyez,
J’hésite à écrire cette lettre, moi qui ai si peu l’habitude d’hésiter ! Voilà quinze mois que je suis loin de mon pays, de ma famille, des êtres qui me sont chers et de ma vie parmi vous. Que puis-je dire alors que, depuis quinze mois, je suis tenue si loin du paysage général de mon pays ?
Dois-je partager avec vous mes colères et la tristesse que je ressens dans les conditions actuelles que je vis ? Comment oser en parler quand tant d’autres Tunisiennes, tant d’autres Tunisiens croupissent injustement en prison ?
Comment parler de moi-même, de ma situation personnelle, alors que Chadha, Abir, Saadia, Meriem, Sonia et Chérifa sont derrière les barreaux ? Comment pourrais-je vous décrire la vie que je mène en exil sans vous parler de ce profond sentiment d’injustice qui m’habite au quotidien ? Quand tant d’autres sont privés de leur travail, de leur famille, de leur liberté de circulation ?
Peut-être m’avez-vous connue en colère, contestataire et peu accommodante, mais jamais vous ne m’avez vue défaitiste et abattue ! N’est-ce pas à moi qu’il reviendrait plutôt de vous relever le moral ? À moi qu’il reviendrait de semer l’espérance, de rassurer sur l’avenir de notre pays ?
Ne suis-je pas tenue de vous redonner de l’espoir et de vous rassurer sur l’avenir de notre pays ? Ne suis-je pas appelée à comprendre plutôt vos soucis, d’être solidaire, de partager avec vous le rire, les réussites, la danse, le chant et aussi, quand elles arrivent, les difficultés et les désillusions ?
Mon expérience des luttes en commun m’a appris que la Tunisie, dans toutes les circonstances, et malgré toutes les épreuves, s’en sort toujours victorieuse ! Que les femmes tunisiennes n’arrêteront jamais de défendre leurs acquis, de lutter pour plus de droits, plus de libertés, pour avancer vers l’égalité entière et effective.
Debout, résistantes, regardant toujours plus haut, c’est ainsi que nous avons toujours été et nous le resterons.
Nous avons préservé notre unité et notre solidarité en dépit de toutes nos différences et dans la pluralité. Bien plus, ce sont ces différences qui nous ont appris la valeur du soutien mutuel, de l’entente en vue de suivre des parcours en commun et de tracer ensemble le chemin qui mène à notre libération. Que l’injustice continue ou que s’embrouillent les motifs qui veulent la justifier, l’action m’ont exprimé leur soutien.
Nous nous retrouverons inéluctablement et bientôt dans notre pays, un pays plus beau et plus ouvert !