Mise en garde inédite dans la Sarthe. Neuf maires du département ont signé un arrêté interdisant de tomber malade dans leur commune. « Un acte symbolique mais fort », indique le communiqué de l’Association des Maires Ruraux de Sarthe (AMR 72), ayant pour but d’alerter le gouvernement sur les difficultés de l’accès aux soins dans le département, qui ne cessent de se dégrader.
Dans une lettre invitant les maires du département à appliquer l’arrêté, l’AMR dresse un tableau noir de la situation : service médical d’urgence et de réanimation (Smur) qui ferment pour les uns et sans personnel pour les autres, départ en retraite de plus en plus nombreux de médecins non remplacés par la suite, fermeture de lits de réanimation pédiatrique en hôpital…
L’arrêté est clair, mais à l’évidence inapplicable : « Considérant que le manque de médecins généralistes devient prégnant dans le département de la Sarthe […] Article 1 : Il est interdit de vouloir bénéficier d’un accès urgent aux soins pour toute pathologie sur le territoire de la commune. »
« C’est l’inquiétude prioritaire des locaux »
Une enquête de l’UFC Que Choisir datant de novembre 2019 mettait en tête de classement la Sarthe concernant le refus des médecins généralistes d’accepter des nouveaux patients. A ce jour, 70.000 Sarthois sont privés de médecin traitant, près de 12 % de la population totale. Et dans le cas d’une recherche d’un nouveau médecin traitant, il existe 98 % de chance de se voir refuser la prise en charge dans le département.
« C’est une situation catastrophique. Cet arrêté est là pour interpeller le gouvernement et expliquer qu’il est indispensable de trouver des solutions », témoigne auprès de 20 Minutes Dominique Dhumeaux, maire de Fercé-sur-Sarthe et président de l’AMR 72. « Le sujet de la santé, on n’entend parler que de ça. C’est l’inquiétude prioritaire des locaux », indique-t-il.
Des cris d’alarme pour les maires
Au niveau national, un sondage BVA pour France Assos Santé révélait en novembre 2019 que 63 % des Français avaient déjà renoncé à se faire soigner par un médecin. Beaucoup des personnes interrogées évoquaient un délai d’attente trop long lié à la démographie médicale.
L’arrêté fictif, une nouvelle manière d’alerter les plus hautes sphères de l’Etat ? Une initiative déjà prise le maire de Laigneville (Oise), avait déjà pris une initiative similaire en 2017. L’arrêté municipal portait sur « l’interdiction aux Laignevillois de décéder à domicile sur le territoire de la commune ». Une décision ironique et symbolique prise pour alerter l’opinion publique sur la pénurie de médecins pour venir constater les décès.
« Le désert médical qui se prépare dans notre département va engendrer une crise sanitaire que nous n’avions plus connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En effet, dans deux ou trois ans, certains secteurs de notre département n’auront plus aucun médecin », expliquait l’élu dans un long post Facebook.
L’Alliance Des Professions De Sante a publié sur sa page Facebbok le commentaire suivant avec cette illustration
Face à la pénurie de médecins et aux difficultés d’accès aux soins en zone rurale, neuf maires de la Sarthe ont signé un arrêté municipal symbolique interdisant de tomber malade.
Dans l’arrêté, les maires précisent qu’il « est interdit de vouloir bénéficier d’un accès urgent aux soins pour toute pathologie sur le territoire de la commune » ainsi que d’avoir « un accident ou un malaise grave sur le territoire de la commune » ou encore de « naître avec des problèmes de santé sur le territoire de la commune ».
Faute de médecin, le maire interdit aux habitants de tomber malade
Les édiles souhaitent ainsi tirer la sonnette d’alarme alors qu’une étude de la Drees a montré que près de 4 millions de personnes vivent dans des déserts médicaux en France. « C’est la survie de notre territoire qui est en jeu. Il faut que le Gouvernement prenne à bras le corps le problème », a plaidé Dominique Dhumeaux, président de l’association des maires ruraux de la Sarthe et maire de Fercé-sur-Sarthe. Celui-ci regrette que personne ne se soit emparé du sujet : « Nous, les maires, sommes seuls. »
70.000 Sarthois sans médecin traitant
Départ à la retraite de nombreux généralistes (4 départs pour 2 installations), fermeture du SMUR du Bailleul, menace sur la néonatologie à l’hôpital du Mans, dégradation des urgences des hôpitaux de Saint-Calais et du Bailleul, fermetures de lits… la liste des difficultés rencontrées dans le département s’allonge.
« Notre département occupe la triste première place concernant le refus des médecins généralistes d’accepter de nouveaux patients. À ce jour, près de 70 000 Sarthois sont sans médecin référent, c’est-à-dire sans solution pour obtenir un rendez-vous auprès d’un médecin », déplore Dominique Dhumeaux.
La commune qui interdisait de tomber malade a trouvé un généraliste
L’association des maires ruraux de la Sarthe propose plusieurs solutions pour améliorer l’accès aux soins : réduire la liberté d’installation des généralistes, développer la télémédecine ou inciter les internes en dernière année de médecine à s’installer en zone rurale.