Tunisie-Maroc : une rupture diplomatique implicite

C’est à l’occasion de la nomination de Hassan Tariq au poste de médiateur du royaume que l’on a découvert que non seulement le Maroc n’avait plus d’ambassadeur en Tunisie depuis 2022, mais que Tunis non plus n’avait pas choisi de successeur à Mohamed Ben Ayed, lui aussi nommé à d’autres fonctions. Qui prendra l’initiative de renouer les liens ?

Le Maroc et la Tunisie sont en ce moment en train de connaître un des épisodes les plus troubles de l’Histoire de leurs relations millénaires.

Comme l’a annoncé lundi 25 mars 2025 en début d’après-midi un communiqué du Cabinet royal, Hassan Tariq  ( photo ci-bas avec Kais Saied ) occupe désormais le poste de médiateur du Royaume. Une nomination qui, de fait, laisse vacant celui d’ambassadeur du Maroc à Tunis, dont cet universitaire issu du parti de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) avait la charge depuis février 2019.

Officiellement jusqu’à ce communiqué, Hassan Tariq était depuis 2019 ambassadeur du royaume du Maroc en Tunisie. Dans les faits, il avait été rappelé à Rabat en août 2022 quand le président tunisien, Kaïs Saïed, avait reçu en marge de la huitième Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique (« Ticad8 ») , le secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali
Une initiative qui allait à l’encontre de la neutralité à laquelle la Tunisie, jusque-là, se cantonnait sur la question du Sahara occidental. « La Tunisie a toujours eu la prudence de ne pas se prononcer pour préserver ses relations avec les pays maghrébins.
Aussi ce geste inattendu, perçu comme une reconnaissance du mouvement séparatiste sahraoui, a été surprenant. Sa finalité n’était pas de froisser Rabat mais de complaire à Alger, qui a soutenu Kaïs Saïed dans son offensive sur le pouvoir en juillet 2021 », précise un ancien diplomate, qui déplore le manque de fermeté de Tunis à ce sujet.

En mai 2024, Mohamed Ben Ayed a été discrètement désigné directeur général de l’Académie diplomatique internationale de Tunisie, sans que son affectation à Rabat ne soit publiquement retirée.
Puis, en août 2024, il a été nommé secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger. Depuis, ni la désignation annuelle des ambassadeurs ni aucun autre mouvement diplomatique tunisien n’est intervenu pour pourvoir au poste vacant d’ambassadeur à Rabat.

C’est que Kaïs Saïed a, en même temps, refusé de virer sa cuti et est resté aligné sur les positions attentatoires au Maroc de son parrain algérien, qui le soutient financièrement après que les institutions financières internationales ont commencé à refuser de permettre à l’État tunisien d’accéder à davantage de financements en raison de son état de gabegie chronique ; à l’occasion de la visite de décembre 2021 du président Abdelmadjid Tebboune à Tunis, un prêt de 300 millions d’euros avait, à cet égard, été alloué à la Tunisie par l’Algérie.

Ainsi, s’il n’a pas répété les égards qu’il avait accordés au Polisario il y a trois ans, Kaïs Saïed n’en fait pas moins partie des piliers du Maghreb sans le Maroc que rêve de mettre en place la junte algérienne depuis quelques temps : c’est d’ailleurs à Carthage, et ce à l’initiative de Kaïs Saïed, que s’était tenue le 22 avril 2024 la première réunion de ce groupement qui compte pour l’heure aussi l’Algérie, bien évidemment, ainsi que le gouvernement libyen de Tripoli. Une manifestation d’hostilité claire et nette envers Rabat.

En outre, les observateurs ont remarqué que depuis 2022, le roi Mohammed VI n’adresse plus de message de félicitations au président tunisien à l’occasion de la fête d’indépendance de la Tunisie, qui tombe le 20 mars de chaque année. Et cette année 2025 n’y a pas échappé.

À l’évidence, le Maroc et la Tunisie sont en ce moment en train de connaître un des épisodes les plus troubles de l’Histoire de leurs relations millénaires, puisqu’il s’agit des deux seuls État du Maghreb préexistant à la colonisation de la région. Ce qui n’est certainement ni à leur bénéfice, ni à celui de leurs peuples, mais certainemnt à celui des militaires au pouvoir à Alger.