–«Nous on veut juste jouer au football, nous ne sommes pas des militantes pro-hijab, juste des passionnées de football, le reste nous dépasse un peu», assure la co-présidente des «Hijabeuses»
–C’est une question épineuse, sur fond de laïcité, une thématique éminemment sensible à trois mois de l’élection présidentielle
Elles sont plusieurs dizaines en région parisienne, plutôt jeunes, et depuis plusieurs mois ces « Hijabeuses » se dressent contre la Fédération française de football (FFF) qui leur interdit de jouer voilées en compétition, une interdiction que les sénateurs veulent étendre à l’ensemble des fédérations.
C’est une question épineuse, sur fond de laïcité, une thématique éminemment sensible à trois mois de l’élection présidentielle. Elle s’est d’ailleurs invitée au Sénat il y a plus d’une semaine lors de l’examen de la proposition de loi sur le sport.
Les parlementaires ont en effet adopté le 19 janvier, contre l’avis du gouvernement, un amendement proposée par le groupe LR interdisant « le port de signes religieux ostensibles » lors « d’événements sportifs et compétitions sportives organisées par les fédérations sportives ». Les sénateurs avaient déjà tenté une première fois, sans succès, d’interdire le voile en compétition lors des discussions sur le projet de loi controversé sur le séparatisme l’été dernier.
« Juste jouer au foot »
Les parlementaires LR s’attaquent, selon eux, au « vide juridique » entourant cette question, indique le sénateur LR Michel Savin, en pointe dans ce combat, et qui regrette l’inaction et la position de la ministre des Sports Roxana Maracineanu qui, selon lui, « a dit qu’elle était inquiète de ces manifestations qui se multiplient mais qui n’a pas la même réponse ».
Plus d’une semaine après le vote de cet amendement, les « Hijabeuses », un collectif crée en mai 2020 pour permettre aux filles voilées d’évoluer en compétition, ont relevé le gant. Elles se sont invitées brièvement mercredi dans le jardin du Luxembourg, au pied du Sénat, pour échanger quelques passes avec une banderole « Le football pour toutes », avant d’être invitées à partir par les gendarmes.
« On ressent tout cela comme une grande injustice. Il y a ce sentiment d’être exclu et c’est quelque chose qu’on ressent profondément », a expliqué Founé Diawara, l’une des membres de ce collectif chapeauté par Alliance Citoyenne, une association qui défend également le combat des femmes souhaitant accéder aux piscines en burqini.
Si elle reconnaît quelques « points communs » avec ces femmes luttant pour le burqini, Founé Diawara réfute l’étiquette de militante, et assume « une naïveté » dans ce combat. « Nous on veut juste jouer au football, nous ne sommes pas des militantes pro-hijab, juste des passionnées de football, le reste nous dépasse un peu », assure la co-présidente des « Hijabeuses ».
Pendant plusieurs mois, elles ont dialogué avec des représentants de la FFF, avec parfois même des oreilles attentives, « mais à un moment le dialogue s’est fermé », raconte Founé Diawara.
Du coup, elles ont changé d’approche et ont décidé de saisir le Conseil d’Etat en novembre 2021, visant l’article 1 du règlement de la FFF qui interdit « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ».
L’un de leurs arguments tient notamment à la position de la FIFA, l’instance mondiale du football, qui autorise elle depuis 2014 les joueuses à évoluer en compétition internationale avec leur voile.
La FFF a toujours argué dans cette affaire un suivi pur et simple de la loi et du principe de laïcité.
Conseil d’Etat
Or, si la loi française impose la neutralité aux salariés et agents travaillant pour des fédérations délégataires d’un service public, c’est en revanche bien plus flou pour ses usagers.
« Le principe de neutralité porte atteinte à la liberté de culte, un droit fondamental », résume Me Marion Ogier, qui défend les « Hijabeuses ». « Limiter un droit fondamental ne peut se faire que si l’on montre qu’il y a un trouble. Or la FFF ne justifie d’aucun trouble, elle considère que le principe de neutralité doit s’appliquer partout. Seul le législateur a le pouvoir de prendre une telle décision. »
Le Conseil d’Etat a récemment rejeté l’action que le collectif avait intenté en référé, mais l’instruction sur le fonds « continue », assure Me Ogier.
Et certains s’inquiètent d’une décision du Conseil d’Etat qui pourrait « la prolifération de clubs communautaires » selon Michel Savin qui avait interpellé la ministre des sports Roxana Maracineanu en décembre lors d’une séance de questions d’actualité.
La ministre, qui lors de la polémique sur le hijab de running de Décathlon en 2019 avait semblé adopter une positon assez ouverte en rappelant que son rôle était de « promouvoir le sport pour tous dans une logique de progrès, d’inclusion, de respect d’autrui et de mixité », avait alors botté en touche en disant attendre la décision du Conseil d’Etat.