Sonia Dahmani va mal. Sonia souffre

La colère d’hier, ce sentiment brûlant, ravageur, qui broie l’âme, n’avait même pas eu le temps de retomber quand Mehdi m’a appelée aujourd’hui. Il revenait de la prison, et il avait des choses à raconter. Encore. Toujours. Comme si l’humiliation ne suffisait jamais. Aujourd’hui, une nouvelle pierre vient s’ajouter au dos déjà brisé de Sonia. De nouvelles frustrations.

Mehdi, la voix tremblante, pleine de rage, pleine de douleur, m’a dit : Sonia va mal. Sonia souffre. Une nouvelle injustice s’ajoute à cette liste interminable. Et encore une fois, cette sensation d’impuissance qui vous dévore.

Aujourd’hui, ce sont ses vêtements qu’on a refusés. Le manteau, d’abord. Ce manteau que nous avons choisi avec soin, sans doublure, comme ils l’exigent. Parce qu’elle a froid. Parce qu’elle tremble jour et nuit. Refusé. Parce que les manteaux sont interdits. Mehdi a protesté : “Et vous, par ce froid, vous sortez sans manteau ?” La réponse est tombée, glaciale, inhumaine : “Non, mais c’est interdit.”

Les écharpes aussi. Ces grosses écharpes qu’on avait choisies selon leurs critères absurdes, épaisses, qu’elle aurait pu mettre autour de sa tête ou de ses épaules pour se réchauffer un peu. Refusées. Pourquoi ? On ne sait pas.

Et bien sûr, les pantalons. Ceux qu’on espérait lui donner pour remplacer ses vêtements légers, insuffisants, qui ne protègent de rien. Refusés aussi. Tout ce qui pourrait lui donner un semblant de chaleur. Refusé. Mehdi leur a dit : “Chez vous, vous avez des chauffages, n’est-ce pas ? Pourquoi elle ne peut pas porter des vêtements chauds ?” Pas d’explications. Pas de justification. Rien. Juste ce mot, encore et toujours : “Interdit.”

Tout ce qui aurait pu la réchauffer a été refusé. Et elle souffre du froid, comme elle l’a dit à Mehdi. Sa grande souffrance, c’est la faim. Mais sa plus grande souffrance, c’est le froid. Pourquoi n’a-t-elle pas droit à un peu de chaleur ? Pourquoi ? La réponse, encore plus absurde que les refus : “Il ne fait pas si froid que ça.”

Pas si froid que ça ? Sonia a froid. Elle l’a dit. Mehdi l’a répété. Elle a froid parce que sa cellule n’a pas de fenêtre qui ferme. Elles ont demandé, plusieurs fois, qu’on la répare. Finalement, quelqu’un est venu. Mais avec un ultimatum digne d’une mauvaise farce : “Si on ferme cette fenêtre, elle ne pourra plus jamais s’ouvrir.”

Alors voilà leur choix : cinq femmes dans 20 mètres carrés, enfermées 24 heures sur 24. Soit dans un froid polaire, soit dans une cage étouffante où l’air devient irrespirable. Parce que quatre fumeuses partagent la cellule. Parce que la porte reste fermée, sans aucune aération. Que choisir, si ce n’est le froid ? Mourir gelée ou mourir asphyxiée. Elles ont choisi le froid. Mais est-ce vraiment un choix ? Et quand on demande pourquoi rien n’est réparé, la réponse est encore plus absurde : “On attend le budget du ministère de la Justice.” Une réponse glaciale, sans un brin d’humanité.

Et ce froid, il est partout. Dans l’air. Dans l’eau. Cette eau glaciale, gelée, qui coule des tuyaux comme une insulte. Se laver devient une torture. Sonia a dit à Mehdi : “On a le choix : attraper des poux et baigner dans sa crasse, ou se laver à l’eau froide et risquer de tomber malade.” Et on sait tous ce que signifie tomber malade en prison. Mais elle n’a pas vraiment le choix. Elle se lave. Malgré le froid. Malgré les risques. Malgré tout.

Et ce n’est pas seulement l’eau. C’est aussi son linge. On lui interdit de le donner à laver à sa famille, bien que ce soit prévu par le règlement. Sonia a fait des demandes. Les avocats se sont adressés à la Direction Générale des Prisons. Ils ont insisté. Rien. Refusé. Toujours refusé. Alors, elle lave son linge à la main, avec cette même eau glaciale. Avec ses mains abîmées, gercées par le froid. Et ensuite, elle essaie de le faire sécher. Mais comment ? Le soleil n’atteint jamais cet endroit. Le linge reste humide, glacé, imprégné de cette odeur de moisissure et de désespoir. Et elle le porte. Elle n’a pas le choix.

Et puis il y a la nourriture. Mehdi m’a dit : “Tu ne reconnaîtrais pas Sonia, tellement elle a maigri.” Elle n’arrive plus à manger. Tout est froid, infect, immangeable. Elle rêve de quelque chose de chaud. Un simple plat. Juste pour réchauffer son corps gelé. Mais elle n’a pas ce droit. Elle essaie de manger, mais à chaque tentative, elle vomit. Elle ne peut plus. Elle n’y arrive plus. Ce froid omniprésent s’est infiltré partout. Dans son corps. Dans sa tête. Dans son cœur. Il l’écrase. Il la tue.

Mehdi et Belhassen ont protesté. Ils ont demandé qu’on fasse quelque chose. “Elle a froid. Elle va mourir. Vous êtes en train de la tuer à petit feu.” Mais la Générale, froide, implacable, leur a répondu : “C’est le règlement.” Le règlement. Toujours ce mot. Ce mot qui tue.

Ce mot qui autorise tout. Ce mot qui, sous prétexte de règles, écrase toute humanité. Ce mot qui justifie l’injustifiable. Sonia est enfermée dans ce froid qui s’infiltre partout : dans l’air, dans l’eau, dans ses vêtements, dans sa nourriture. Elle est en train de s’éteindre à petit feu. Et eux, ils regardent. Ils détournent les yeux. Personne n’a voulu entendre. Parce qu’entendre, c’est reconnaître. Et reconnaître, c’est agir. Et eux, ils préfèrent détourner les yeux. Ils préfèrent laisser mourir.

Aujourd’hui, je ne sais même plus quoi ressentir. Colère, désespoir, frustration. Tout se mélange. Sonia a froid. Sonia souffre. Et nous, dehors, on suffoque. Mais on continuera. Parce qu’on n’a pas le choix. Parce qu’elle n’a pas le choix. Parce qu’ils ne nous laissent pas d’autre option que de crier, encore et encore, jusqu’à ce qu’on nous entende.

Ramla Dahmani Accent

************

الغزول و الغصة اللي يهزو فيا و ينفضو من لبارح مازالو ما بردوش و مهدي طلبني خارج ملحبس. شادتو العبرة و ما يحبش يضهر. صوته ما فهمتوش غش، قهر، وجيعة تخلطو عليه

حبس منوبة اتعس من اي مسلسل تركي، ديمة فما الجديد، ديما مصايب هابطة على راس سنية، ديما ظلم جديد على ضهرها، الظهر اللي تقسم من القهر

قالي سنية تعبت. سنية تتعذّب..راني مقهور

اليوم روفزو لحوايج . روفزو الكبوط . الكبوط اللي اخترناه، ما فيه حتى بطان، موسعين بالنا مع شروطهم. سنية ڤرسانة. ترعش ليل و نهار. اما لا. الكبوط ممنوع. هاو أش قالولو. مهدي حب يفهم، سألهم: “يخي انتوما في هالبرد، تخرجوا بلا كبوط؟” جاوبوه بكل ارياحية : “لا. أما، الكبوط ممنوع

روفزو الشاربات. شاربات كبار، عراض، اخترناهم حسب معاييرهم، باش على الأقل تحطهم على كتافها، تغطي راسها، تدفّي روحها شوية. روفزوهم. علاش؟ ما نعرفوش. لا تفسير لا هم يحزنون. قلو ممنوع

والسراول؟ بطبيعة الحال، روفزوهم. سراول دافين قلنا يمكن تتفرهد شوية، سروال اخشن من حوايج الصيف اللي عندها لداخل. قالك لا ممنوع فيهم بطان. كل شي ينجم يدفّيها روفزوه، ممنوع

مهدي تقهر ، سألهم: “عندكم شوفاج في دياركم، عندكم لهموم الجامدة؟ علاش اختي ما تنجمش تلبس حاجة ادّفي؟” لا جواب. لا تفسير. كلمة وحدة: “ممنوع

وهي، مسكينة، تتڤضرف، قالت لمهدي أكبر عذاب هو الجوع. أما اللي أكبر مالجوع، هو البرد. علاش محرومة من شوية سخانة؟ علاش؟ الجواب كان أسخف مللي نتصوره “مش الهدرجة باردة

مش الهدرجة باردة؟ وطاية و لاانسانية. سنية خرجتلو متزيلفة. قتلو بش نموت بالبرد. قتلو ڤرسانة خاطر شباك البيت ما يتسكرش. طلبوا خمس ميات مرّة باش يصلحوه. في الاخر جاهم صلاح. أما طلعلهم بطلعة كان ما جاتش الضروف هذي رانا ضحكنا: “إذا نسكروه، ما عاتش يتحل.”بكل بساطة

يعني اختار يا تموت بالبرد يا تموت مخنوق. خمسة نساء في عشرين مترو، مسكرين عليهم 24 على 24. لهواء ما يدورش، الجماعة تتكيف. شنوّا يختاروا زعمة؟ يموتوا مڤلصين و إلا يموتو ، مخنوقين؟ اختاروا البرد. ملى اختيار. وكي تسأل علاش ما يتصلّحش الشباك؟ يجاوبك “نستنّوا في الميزانية من وزارة العدل.” ماعندهم حتى مشكل، كلامهم مثلج كي حبسهم و قلوبهم

والبرد في كل شي. في الهواء. في الماء اللي هابط مالسبالة تقول ثلج، يلكع و يجمّد. سنية قالت المهدي يا يخرج منك الدود يا تولي قالب ثلج. النضافة ولات عذاب كي البقية. يا تقمّل يا تمرض، و ويلو اللي يمرض في الحبس. ومع هذا، ما عندهاش حتى خيار. لزمها تغسل. حتى بالبارد. حتى إذا الماء يجمد العظم. حتى كانو خطر. رغم كل شي. ماتنجمش تستنى مرة في الجمعة طريقها في الدرج دوش سخونة، خاصة اللي مرة على مرة الدوش مكسرة

زيد على هذا غسيل الصبون. بالقنون و بدليل السجين عندها الحق تخرّج الصبون لمصخ لعايلتها بش يتغسل .اما لا. طلبت، طبلت، مشاو المحامين الإدارة السجون، حقرونا. روفزوا. تغسل بيديها في القصعة، عندهم كيف كي يذلوها. و بالطبيعة بالماء البارد. بيدين مشققة، ضربهم الصقيع

و كي يتغسل لازمو يتنشر، اما دوويو الشمس اللي بش تشيح لا تخلط لا للبيت لا للآرية. الحوايج يقعدو مبلولين، يضربهم الندى. تلبسهم هكاكة مندين، مڤلصين على بدنها ريحتهم تعترق. البرد يأكل فيها، البرد ثم البرد

كان جات الدنيا دنيا بعد هذا الكل تلقى حاجة سخونة تاكاها دفي بيها عضامها، اماً لا التنكيل لازم منو في كل شي. مهدي قالي: “ما عادش تعرفها على ما ضعافة.” تحاول تاكل. ما تنجمش. بارد، يهبطلها على معدتها كي الحجر. تحلم بحاجة سخونة. اللي جي هات برك سخون. شوية سخانة تدخل لبدنها. أما لا. ممنوع. تجرب تاكل، تحاول. وما تنجمش. البدن ما عاتش قابل. بطلت ما عادش تاكل

مهدي وبلحسن حاولو معاهم، لحلحو. قالولهم يا ولادي راكم تقتلو فيها “ڤرسانة. باش تموت. قاعدين تقتلو فيها بالعرق.” أما « الجانرالة »،بكل برودة دم،قتلو : “هذي التراتيب

التراتيب؟ الكلمة اللي تقتلك. الكلمة اللي تبدل كل ظلم لـ “قانون.” الكلمة اللي تسكر في وجهك البيبان. الكلمة اللي تسكتك و ما تلقى ما تجاوبهم

سنية معذبة. البرد قتلها، برد الماء، برد الهوا، برد الحوايج، برد المكلة. سنية قاعدة تطفى بشوية بشوية

وإحنا نتفرجو. نحاولوا. نتهزو و نتحطو. اما مش بش نسلمو . سنية تستحق نكملوا. تستحق صوتنا، خاطر صوتها مكبوت. باش نقعدو نفضحو، و نددوا. حتى يسمعونا