L’agence de renseignement américaine a surpris plus d’un internaute en remettant au vice-Premier ministre (et membre de la famille royale) saoudien une distinction, couronnant la « contribution » de Ryad à la guerre mondiale contre le terrorisme.
Mohammed ben Nayef Al Saoud, prince héritier et vice-Premier ministre d’Arabie saoudite, s’est félicité d’obtenir des mains du directeur de la CIA Mike Pompeo, le 10 février, la médaille «George Tenet» (du nom d’un ancien directeur de la CIA) pour sa contribution à la lutte contre le terrorisme et à la paix mondiale. Une récompense qui, selon l’intéressé, salue l’engagement en ce sens de l’ensemble de son gouvernement.
«Le royaume [saoudien] est engagé dans la lutte contre le terrorisme du fait de sa conviction que le terrorisme n’a pas d’identité ni de religion», a commenté le prince saoudien au média Arab news, le 11 février. «Toutes les idéologies négatives […] qui ont exploité la religion comme un outil à travers l’Histoire ne reflètent en rien la vérité absolue de la religion», a-t-il ajouté, réfutant ainsi, de manière à peine voilée, les liens entre terrorisme et wahhabisme (le mouvement islamique rigoriste promu par Ryad) régulièrement formulés par des responsables politiques et médias internationaux.
Le membre de la famille royale saoudienne a par ailleurs souligné que son gouvernement avait avorté plusieurs projets d’attentats, dont certains visant des pays alliés. Il a également rappelé que la relation américano-saoudienne était «forte et historique», et a assuré que rien ne pourrait endommager celle-ci.
«C’est comme donner une médaille à McDonald’s pour son combat pour l’obésité»
La consécration du travail antiterroriste d’un haut responsable saoudien par Washington, néanmoins, a surpris de nombreux internautes anglophones, comme celui-ci, qui a évoqué sur Twitter «la pire blague jamais faite» ( The worst joke ever ).
«Remettre à un prince saoudien une médaille pour son combat contre le terrorisme, c’est comme donner une médaille à McDonald’s pour son combat pour l’obésité» ( Giving a Saudi prince a medal for combating terrorism is the equivalent of giving McDonald’s a medal for combating obesity ) , a plaisanté avec amertume un autre utilisateur du réseau social.
Ces craintes d’un lien indirect entre Ryad et le terrorisme s’appuient, notamment, sur diverses enquêtes et statistiques établies par la presse ou les lanceurs d’alertes. Des câbles diplomatiques du Département d’Etat américain, rendus publics en 2009 par WikiLeaks, affirmaient ainsi que les donneurs saoudiens représentaient la source la plus importante de financement des groupes terroristes sunnites dans le monde. «L’Arabie saoudite reste un soutien financier essentiel pour Al-Qaïda, les Talibans […] et d’autres groupes terroristes», assurait le document diplomatique américain.
De même, en mai 2016, le journal britannique The Independent rapportait que l’Arabie saoudite était accusée de financer des mouvements islamistes extrémistes en Syrie.
Enfin, parmi les 19 personnes suspectées d’avoir mené l’attaque terroriste du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, 15 d’entre eux étaient de nationalité saoudienne, selon la CIA. De plus, l’un de ces terroristes présumés, Zacarias Moussaoui, a assuré en 2015 que les noms de plusieurs membres de la famille royale saoudienne avaient figuré dans la liste des mécènes d’Al-Qaïda sur laquelle il avait travaillé, avait rapporté la chaîne américaine CNN.