Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, et je n’aimerais pas passer pour un trouble-fête à cause de ce statut, mais toute cette hystérie autour d’Ons Jabeur commence à me taper sur les nerfs. Sa performance à Wimbledon a, sans l‘ombre d’un doute, marqué d’une pierre blanche l’histoire du sport tunisien, sa longue série de victoires contre les joueuses issues des meilleurs centres de formation inspire le respect et lui donne droit aux honneurs. Mais, qu’on le veuille ou non, ça reste du sport, une tenniswoman qui frappe fort dans une balle de tennis à l’aide d’une raquette, malgré les progrès réalisés dans le domaine du sport et toutes les avancées scientifiques au service de la performance sportive.
Les Tunisiens se sont tellement accommodés à la médiocrité que la performance d’Ons Jabeur leur est apparue quasi-miraculeuse. Ils en ont fait un objet de défoulement, ils se servent d’elle pour éliminer leurs frustrations et leur sentiment d’échec par une sorte de catharsis, notamment en lui faisant porter une responsabilité écrasante et en la chargeant de valeurs symboliques très puissantes et disproportionnées par rapport à ce qu’elle fait concrètement : patriotisme, fierté nationale, condition de la femme tunisienne… Qui plus est, l’idée de la surnommer l’« ambassadrice/ministre du bonheur » m’a toujours paru ridicule. C’est comme si le « bonheur d’un peuple » était tributaire d’un match de tennis.
Ons Jabeur est certainement une très grande championne, elle a beaucoup de mérite, mais cette hystérie collective qui s’est emparée du pays devient de plus en plus agaçante. On n’est plus dans la joie et la bonne humeur, mais dans l’hystérie et le pathétique. Il faut dire que l’accueil kitch et chaotique qui lui a été réservé à l’aéroport de Tunis-Carthage n’annonçait pas ces festivités et ces hommages populaires sous de bons auspices. Sous nos cieux, tout se fait d’une manière excitée, bordélique et empreinte de d’gou3ir. Maintenant, qu’ils la laissent profiter de ses vacances et préparer son prochain tournoi !
Pierrot LeFou