Turquie: Arrestation du principal opposant à Erdogan Ekrem Imamoglu

Il avait été triomphalement reconduit il y a un an, cinq ans après sa première élection. Ekrem Imamoglu, maire d’Istanbul et figure d’opposition au président turc Recep Tayyip Erdogan, a été interpellé ce mercredi matin à son domicile. Accusé de corruption et d’extorsion , il est désigné comme le chef d’une « organisation criminelle à but lucratif » dans un communiqué du bureau du procureur de la ville. Plusieurs dizaines de ses collaborateurs, d’élus et de membres de son parti ont également été arrêtés.

C’est un séisme politique en Turquie, écrit notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer. Selon un de ses proches collaborateurs, le maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, pressenti par son parti, le CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate), pour être son candidat à la prochaine élection présidentielle, a été emmené, ce 19 mars au matin, dans les locaux de la police. Au delà de l’accusation de « corruption » – puisque dans le communiqué du bureau du procureur d’Istanbul, M. Imamoglu est accusé de corruption et d’extorsion, désigné comme le chef d’une « organisation criminelle à but lucratif » – l’agence étatique Anadolu évoque également des accusations de « terrorisme » et « d’aide au PKK », le Parti des Travailleurs du Kurdistan – interdit en Turquie – à l’encontre de sept suspects dont M. Imamoglu lui-même. Ces dernières accusations sont les plus lourdes et peuvent être utilisées par les autorités pour destituer le maire d’Istanbul et nommer à sa place un administrateur – comme il l’a déjà fait dans un grand nombre de villes, gérées pour la plupart par le parti prokurde légal (le DEM).

« Des centaines de policiers »

Dans une vidéo postée sur le réseau social X, l’édile de 53 ans, en train de s’habiller et de nouer sa cravate, dénonce la fouille de son domicile : « Des centaines de policiers sont arrivés à ma porte. La police fait irruption chez moi et frappe à ma porte. Je m’en remets à ma nation », indique-t-il. Le président du CHP, Özgur Özel, a dénoncé « un coup de force pour entraver la volonté du peuple » et « contre le prochain président » de la Turquie.

Ekrem Imamoglu est seul en lice pour représenter son parti à la prochaine présidentielle prévue en 2028 et devait être officiellement désigné, dimanche 23 mars, au cours d’une primaire au sein du CHP. Figure de ce parti, principal parti d’opposition parlementaire, l’homme est visé par cinq autres procédures judiciaires, dont deux ont été ouvertes en janvier 2025.

Rassemblement et manifestations interdits

Tous les rassemblement et manifestations ont été interdits jusqu’à dimanche par le gouverneur d’Istanbul et, selon la chaine de télévision privée NTV, la station de métro de l’emblématique place Taksim au centre d’Istanbul, est fermée. En outre, l’accès aux réseaux sociaux est ralenti. Avant son interpellation, M. Imamoglu avait prévu de rassembler mercredi ses partisans sur la rive asiatique d’Istanbul.

En 2023, M. Imamoglu avait déjà été empêché de facto de se présenter à la présidence en Turquie, en raison d’une condamnation en suspens pour « insulte » à des responsables du comité électoral. Opposant véhément au président Erdogan, le maire d’Istanbul a dénoncé – fin janvier 2025 – le « harcèlement » de la justice à son encontre. Il sortait alors d’un tribunal d’Istanbul où il était entendu dans le cadre d’une enquête ouverte après des critiques contre le procureur général de cette ville.