Turquie : le chef Kurde Abdullah Öcalan appelle à dissoudre le PKK et ses combattants à déposer les armes.

Le fondateur et chef historique du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, a appelé jeudi 27 février 2025 le PKK à se dissoudre. Il a aussi appelé les combattants à déposer les armes.

ans une déclaration lue par des députés kurdes qui lui ont rendu visite jeudi 27 février dans sa prison au large d’Istanbul, le fondateur et chef historique du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, a appelé à la dissolution du mouvement armé. Il a également appelé les hommes du PKK à déposer les armes.

Dans ce message très attendu, Abdullah Öcalan, 75 ans, indique répondre ainsi aux autorités turques et aux « autres partis » au terme d’un processus initié à l’automne par le principal allié du président Recep Tayyip Erdogan, le nationaliste Devlet Bahceli. « L’appel lancé par M. Devlet Bahceli, ainsi que la volonté exprimée par M. le Président, ainsi que les réponses positives des autres partis politiques à cet appel, ont créé un environnement dans lequel je lance un appel au dépôt des armes et j’assume la responsabilité historique de cet appel », indique le leader kurde.

« Comme le ferait toute organisation ou parti moderne dont l’existence n’a pas été abolie par la force, convoquez votre congrès et prenez votre décision: tous les groupes doivent déposer les armes et le PKK doit se dissoudre », conclut-il. Ce message, attendu depuis des semaines, a été lu en kurde puis en turc devant une foule compacte de journalistes réunis dans un hôtel du centre d’Istanbul, devant une large photo montrant le chef historique du PKK, les cheveux blanchis, une feuille blanche en main.

Dans une note dévoilée à l’issue de cette lecture par un autre député du DEM, Abdullah Öcalan souligne toutefois que son appel nécessite « la reconnaissance de la politique démocratique et une dimension juridique ». C’est un message pour les autorités turques. Tous les regards sont aussi tournés vers le PKK, rapporte notre correspondante en Turquie, Anne Andlauer. Ces derniers mois, les chefs militaires du groupe, installés dans le nord de l’Irak, se sont plusieurs fois dits prêts à obéir aux instructions d’Abdullah Öcalan tout en réclamant, en échange, de pouvoir communiquer directement avec lui. Les autorités turques n’ont rien promis publiquement à ce sujet.

Le président de la région autonome du Kurdistan d’Irak, Nechirvan Barzani, a salué jeudi l’appel du chef PKK. « Nous accueillons chaleureusement le message d’Öcalan (…) et nous appelons le PKK à s’y conformer et à le mettre en œuvre. Nous, dans la région du Kurdistan, soutenons pleinement le processus de paix », a-t-il dit.

Le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS) Mazloum Abdi, dominées par les Kurdes, a, lui, salué « cette initiative de manière positive car il s’agit de paix ». En revanche, il a déclaré que les forces kurdes de Syrie n’étaient pas concernées par l’appel à déposer les armes. Selon lui, la demande du chef du PKK « le concerne lui et ne concerne pas nos forces ».

« Détermination » à tourner la page de la lutte armée

Le PKK est en lutte armée depuis des années contre le pouvoir en Turquie. Il est classé comme un groupe terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux – États-Unis, Union européenne ou encore Royaume-Uni -. De son côté, le dirigeant et fondateur Abdullah Öcalan, arrêté en 1999 lors d’une opération digne d’un film hollywoodien menée par les forces de sécurité turques au Kenya après des années de cavale, purge une peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle dans l’île-prison turque d’Imrali.

Abdullah Öcalan, 75 ans, avait exprimé lors de précédentes rencontres avec des députés prokurdes sa « détermination » à tourner la page de la lutte armée. « Si les conditions se présentent, j’ai le pouvoir théorique et pratique de transférer le conflit du terrain de la violence au terrain juridique et politique », avait-il assuré fin octobre à l’un de ses interlocuteurs.

Ses deux précédents appels à la trêve, au début des années 2000 puis en 2013, avaient fait long feu, cédant la place à des flambées de violence. « Des millions de personnes prient pour une solution », a affirmé mardi le vice-président du DEM, Tuncer Bakirhan.

« Respecter les droits culturels et démocratiques des Kurdes de Turquie »

Dans un communiqué, le ministère allemand des Affaires étrangères a salué jeudi l’appel d’Abdullah Öcalan, le qualifiant de « chance historique ». « Mettre fin à la violence est une première étape importante, mais d’autres étapes sont nécessaires sur la voie d’une solution viable pour les habitants de la Turquie. Cela implique notamment de respecter et de garantir les droits culturels et démocratiques des Kurdes de Turquie », a ajouté le ministère dans un communiqué.

Cet appel est une « lueur d’espoir » pour la paix, a salué jeudi le secrétaire général de l’ONU, cité par son porte-parole. Antonio Guterres « salue cet important développement. Cela représente une lueur d’espoir qui pourrait mener à la résolution d’un conflit de longue durée », a déclaré Stéphane Dujarric à la presse.

Abdullah Öcalan, icône kurde par-delà les barreaux

Ennemi public numéro 1 et terroriste pour Ankara, héros de la résistance et figure incontestée de la cause kurde – cette minorité trans-étatique opprimée au Moyen-Orient – Abdullah Öcalan, continue à presque 76 ans et malgré son isolement sur l’île prison d’Imrali d’incarner les espoirs d’émancipation des Kurdes.

Issu d’une famille paysanne, originaire d’un village à la frontière syrienne, Öcalan s’engage à l’extrême gauche pendant ses études en sciences politiques à Ankara, ce qui lui vaut dès 1972 un 1er séjour en prison.

À 29 ans, il fonde le PKK, un parti marxiste-léniniste. Dans les années 80, fuyant la répression brutale qui suit le coup d’État militaire, il se réfugie en Syrie puis opte pour la lutte armée. Durant 4 décennies, l’insurrection coûtera la vie à plus de 40 000 personnes, civils et militaires confondus. En fuite et traqué en Europe, Öcalan est finalement capturé par les services secrets turcs à Nairobi au Kenya.

26 ans après son emprisonnement à vie, dépeint par la Turquie comme le cerveau d’une menace existentielle contre l’unité nationale, Abdullah Öcalan a renoncé au fil des ans à un État kurde indépendant pour prôner une autonomie politique au sein de la Turquie.