Le froid, toujours et encore. J’en parle chaque semaine, comme une litanie sans fin, j’en parle tant, que les gens s’habituent, passent à autre chose et ne donnent même plus les miettes de soutien d’il y a quelques semaines. Mais si je continue à en parler, c’est parce qu’il est en train de tuer ma sœur. Vous qui me lisez, emmitouflés dans vos vêtements chauds, réchauffés par vos chauffages, vos estomacs remplis de nourriture chaude et réconfortante, rappelez-vous du calvaire de Sonia. Ce calvaire qu’elle subit, non pas en paiement d’un crime, mais parce qu’elle a osé dire quelques mots, dans un pays où les mots sont devenus un crime.
Alors ça y est. Ils ont réussi. Sonia a lâché. Elle ne se lève plus, elle ne se lave plus. Ces bourreaux sans visage, ces silhouettes glacées par la haine, ont obtenu ce qu’ils voulaient. Sonia, qui ne peut plus affronter l’eau glacée, a abandonné ce dernier refuge de dignité. Ses mains, fendues par le froid, se détournent. Ses doigts, gonflés et rouges de douleur, sont devenus étrangers à elle-même. Elle souffre de rhumatisme, une maladie qu’elle n’avait jamais connue. Ils ont transformé ses mains, autrefois habiles et pleines de vie, en instruments de douleur. Et chaque matin, l’eau glacée qu’elle ne peut plus toucher devient une torture qui l’humilie autant qu’elle la détruit. Le froid l’a dépossédée de tout : sa propreté, sa dignité, elle-même.
Sonia est enfermée dans une aile spéciale de la prison. Une prison dans la prison. Un bâtiment isolé, déserté, où seules quelques femmes croupissent, coupées du monde, à mourir lentement de froid, de solitude et de silence. Aucun bruit, aucune chaleur n’atteint cet endroit maudit. Chaque mur suinte la cruauté, chaque couloir glacé semble murmurer leur condamnation. Dans cette cellule, dans ce bâtiment conçu pour briser, Sonia meurt à petit feu. Chaque goutte d’eau glacée qui devrait laver son corps est devenue une lame invisible qui la déchire. Sonia n’est plus une femme, elle est devenue une proie. La saleté l’entoure, la gale, les poux.. parce qu’ils l’ont voulu ainsi. Parce que son supplice les comble.
Aujourd’hui, mon père est allé la voir. Séparé d’elle par une vitre impitoyable, il n’a pu que la regarder, impuissant, brisé par ce qu’il voyait. Ses mains, déformées et meurtries par le froid. Ses traits tirés par l’épuisement. Il a vu ce que ces bourreaux ont fait de sa fille. Et il est ressorti plus brisé que jamais. Cet homme de 82 ans, qui se lève chaque matin pour continuer à travailler avec dignité, n’a rien pu faire pour la protéger. Rien, sauf porter le poids de son chagrin, en silence.
Sonia est venue au parloir, comme toujours accompagnée d’une gardienne. Une gardienne emmitouflée dans une grosse parka. Même elles, ces femmes qui exécutent les ordres, ne supportent plus ce froid glacial. Mais elles ont la satisfaction de pouvoir se réchauffer dans leurs manteaux. Sonia, elle, grelotte dans des vêtements sales, sur un corps sale. Faire sortir son linge pour le laver est un droit que la loi lui octroie. Mais ici, dans ce goulag dirigé par Madame la Générale, ce droit lui est retiré. Pourquoi ? Parce que cette femme en uniforme veut les voir plier. Elle veut voir Sonia et les autres femmes courbées devant des bassines d’eau glacée, lavant leur linge à mains nues dans l’humiliation et la souffrance. Sonia n’a plus la force. Ni pour laver son linge, ni pour laver son corps. Alors elle reste dans cette saleté imposée. Pas par choix, mais parce qu’ils l’ont voulu ainsi. Parce qu’ils prennent plaisir à la voir sombrer.
Et la nourriture, froide elle aussi, devient une autre arme. Pas un repas chaud pour se réchauffer, pas un instant pour reprendre un semblant de vie. Tout est pensé pour briser, pour écraser, pour tuer à petit feu. Sonia meurt un peu plus chaque jour, pas seulement de froid, mais de tout ce que ce froid représente : leur haine, leur mépris, leur volonté de la réduire à rien.
Elle est en colère. Colère contre ces hommes et ces femmes qui punissent, non pas un crime, mais un mot, une vérité, une femme libre. Mais Sonia ne crie plus. Elle n’a plus la force de crier. Elle ne peut plus. Elle survit, chaque jour, à la saleté, au froid, aux humiliations, mais elle ne vit plus. Ils ont voulu la briser, et ils y parviennent. Lentement, méthodiquement, ils détruisent tout ce qui faisait d’elle une battante, une âme libre.
Alors, je demande : pourquoi ? Pourquoi Sonia n’a-t-elle pas droit à des gants ? Pourquoi n’a-t-elle pas droit à de l’eau chaude dans sa cellule, pour se laver, pour retrouver un peu de dignité ? Pourquoi la loi est-elle piétinée pour satisfaire la cruauté d’une femme ? Pourquoi Sonia, qui n’a commis aucun crime, doit-elle subir tout cela ?
Aujourd’hui, on voit des hommes et des femmes sortir des prisons de Bachar el-Assad. On pleure en voyant ces êtres meurtris, qui ont passé des années à subir la torture, enfin libérés alors que le dictateur est tombé. Parceque tous les dictateurs tombent un jour. Mais rappelez-vous qu’ici, dans nos prisons, la même chose se passe. Pas si loin de chez vous, une femme souffre. Des femmes souffrent. Des hommes et des femmes subissent la même souffrance que ces prisonniers syriens libérés aujourd’hui.
Est-ce Madame la Générale ou est-ce ce pouvoir qui ont décidé de tuer Sonia Dahmani ? C’est ma grande question. Mais qui que ce soit, le jour viendra où il faudra répondre aux questions et répondre de ses actes.
Vous me demanderez : pourquoi cette cruauté ? Parce que c’est leur arme. Parce qu’il ne s’agit pas de la punir, mais de la briser. Sonia, cette femme brillante, belle, insoumise, devait devenir autre chose. Une ombre. Une chose. Une prisonnière pliée par la saleté, le froid, la faim. Une femme réduite au silence.
Ils ont réussi à la briser physiquement, mais ils ne pourront jamais effacer ce qu’elle est, ce qu’elle représente. Un jour, ceux qui l’ont condamnée devront expliquer pourquoi une femme innocente meurt de froid et de saleté dans leur enfer. Ce jour-là, il faudra regarder Sonia dans les yeux – s’il lui reste encore la force d’ouvrir les paupières. Ce jour-là, la justice reviendra. Et ce pouvoir, qui a fait de ma sœur une martyre, devra enfin rendre des comptes.
Mais aujourd’hui, Sonia a froid. Aujourd’hui, elle meurt de silence et de glace. Aujourd’hui, ma sœur est un cri que je hurle pour qu’il brise ce mur d’indifférence. Entendez-le. Ressentez-le. Et ne l’oubliez pas. N’oubliez pas Sonia. N’oubliez pas ce qu’ils lui font. Et n’oubliez jamais qu’un jour, ils devront payer. Ce n’est pas une menace, c’est une promesse.
************
كل جمعة نحكي على البرد، كي الديسك المكسر، كل جمعة فرد غناية للي العبآد ستانست و فدت و حتى كلمتين هزان معنويات ولاو برشى في اختي. اما يللي تقراو في التدوينة، ملفوفين في حوايج سخان و إلا في بطنيّة، الشوفاج عالخر و كروشكم معبية بفم جاري سخون، تفكرو اللي فمّا مربوطة، أختي، قاعدة تموت بالقهر. قهر تعيش فيه موش خاترها قاتلا روح، أما خاترها قالت أربعة كلمات في بلاد الكلام ولاى فيها ممنوع و يدخل للحبس
سايي . وصلوا للي حبو عليه. سنية تهدّت. ما عادش لا تقوم، لا تغسل و لا تنضف. قالت سايا رضيت بالخمج. الجماعة هاذم، اللي الكره و الحقد معشش في قلوبهم، اللي ما عندهمش لا دين لا ملّاى، وصلوا للي يحبو عليه. سنية ما عادش تغسل، ما عادش تنجم. كل صباح كي تقوم وتجي تحط الماء البارد على بدنها، تؤخّر. يديها، مشققة و ضربهم الصقيع. صوبعها يابسة، حمر،. سنية، اللي عمرها ما شكات مالروماتيزم، اليوم تقول عمرها مياة و قفة. الماء البارد كي السكاكن يكسر الحجر خلي البدونات. الوصخ يذل، و يهين، ويهد. سايا نحولها آخر حاجة كانت مكبشة فيها: النظافة. ومع النظافة، نحولها عزتها و كرامتها
بيت سنية في جناح سپاسيال. حبس داخل الحبس. مقطوعة مالدنيا. بلاصة موحشة، لا حس، لا دفا. بلاصة مجعولة باش تهد. الحيوط كي الوجوه اللي دايرة بيها تڤلّص العضام و القلوب. سنية قاعدة تموت بالعرق. كل نكتة ماء باردة، في عوض ما تنظف، ولات كي السم يدخل في البدن. سنية ما عادش مراء، سنية ولات حاجة. كان الوسخ و القمل و الجرب، دايرين بيها. علاش هذا الكل؟ خاترهم يحبّوها تعيش هكا. خاترهم يشيخو و يحسو رواحهم عباد كي يعذبو غيرهم
اليوم بابا مشالها للپارلوار. يتفرج من ورى البلار في بنتو و اللي عملوه فيها. يتفرج في وجهها، يتفرج في صوابعها المنفوخة بالصقيع، يتفرج في بدنها اللي تهد و في رأسها المطبس، وخرج من غادي هو زادة مطبس راسو، مكسّر، محطم. بابا، اللي عمره 82 سنة، اللي لتوى كل يوم يقوم عالفجاري و يمشي يخدم، ساكت، ساكت على الوجيعة اللي في قلبو، عجزوه، ما ينجم يعمل شيء
سنية مشات للپارلوار كي العادة مع الڤارديانة. ڤرديانة لابسة باركا خشينة. حتى الڤرديانات ماعاتش منجمين البرد متاع الحبس، أما بالقليلة عندهم كبابط يدفاو بيهم. و سنية تتڤضرف. سنية العزيزة، تتڤضرف، بدن امسّخ ، و حوايج مسخة. قول القايل من حقها تخرج صابونها لمّسخ لعايلتها يغسلهولها. بالقانون عندها الحق، أما الجنرالة قالت لا. علاش؟ خاترها تحب تشوفها ذليلة، و تتفرج في النساء مطبسين على سطل ماء بارد، يغسلو بيديهم و بصوبعهم الموجوعين، تشيخ و تتفرهد. سنية ما عادش منجمة. لا عد عندها قوة لا باش تغسل بدنها، لا باش تغسل حوايجها. باركى في الوسخ. موش خاترها حابة، أما خاترهم حبّوها و لزمو عليها تعيش هكا
و يكملو يهدوها بالماكلة، باردة كي حبسهم و قلوبهم و كان حب ربي قبوراتهم. كل شي عاملينو و قارينلو حساب باش يهدها، باش يكسرها، باش يقتلها بشويّة بشويّة. كل يوم تزيد تموت شويّة، موش كان من البرد، أما من الذل، ومن القهر، ومن الميزيرية اللي معيشينهالها
قالولي سنية متغشّة. عللي صاير فيها، عللي قرروا يعاقبوها و يقتلوها خاترها قالت كلمة ما تعجبش، هاترها قالت الحقيقة، وقالتها بصوت حرّ. أما اليوم غشها ولّا بالساكتة. ما عادش عندها القوة باش تصيح. سنية سكتت، حاملة القهر والذل، حاملة الوسخ، حاملة السكات. سنية مش عايشة. سنية قاعدة تموت بالعرق. الجماعة قرروا يهدو سنية، قريب يقتلوها و يرتاحو
علاش سنية ما عندهاش الحق باش تلبس ڤواندوات؟ علاش ما عندهاش الحق في ماء سخون تغسل بيه بدنها؟ علاش كل يوم عاملين من عذابها صنعاة؟ هاذي عدالتهم؟ هذا اسلامهم؟ دينهم يحرموا مراء حتى من حقها في كرامتها؟
اليوم نتفرجو في مرابيط خارجين من حبوسات بشار الأسد. ناس عدات سنين تعيش في القهر و التعذيب. واليوم خرجو بعد ما طاح الديكتاتور. خاتر كل ديكتاتور يجيه نهار. واحنا نبكيو عليهم و على اللي قساوه. اما تفكرو يللي تبكيو، تفكروا اللي قريب منكم، ربع ساعة على دياركم الدافية و الفاوحة، في بلادكم، في تونس الخضراء فمّا مربوطة تعيش في نفس القهر. فمّا مرابيط في تونس يعيشوا في نفس الميزيرية. يعيشوا في نفس الذل، ونفس العذاب
سؤالي اليوم، زعمة الجنرالة اللي قررت تقتل سنية؟ ولا أوامر مالفوق؟ باللي كون يجيك نهار يا ظالم، في الدنيا و في الآخرة الحساب لازم منوا. و اللي وصّلو سنية، و اللي حكمو عليها، و اللي تفرجو و ما نددوش بالظلم يجي نهار الحساب. وكل واحد يجاوب على اللي عملو و يتحمل مسؤليتو
اليوم، سنية قاعدة تموت. قاعدة تموت مالبرد و مالسكات. قاعدة تموت بالساكتة. أما انا صوت سنية، نوصل صوتها و ما يسكتونيش. اليوم، أختي صيحة نصيحها نهد بيها الحيوط و الحبال. اسمعوها و حسّو بيها. وما تنساوهاش. ما تنساوش سنية. ما تنساوش اللي عاملينهولها. وما تنسوش اللي يجي نهار الحساب اللي كل شي يخلص فيه، هذا مش تهديد، هذا وعد
Ramla Dahmani Accent